Mémoire de Dess
Denis
Diderot
U.F.R de Sciences Humaines Clinique
Fabrice à l’épreuve du rire
Le processus humoristique dans la modification du
sens du rire
Mémoire de D.E.S.S. présenté par
Jean-christophe Dardart
Sous la direction de François
Richard
Co-jury : Céline Masson Année
Universitaire 2004/2005
Introduction
Le rire, nous le rencontrons régulièrement en clinique, ce qui ne doit pas nous étonner puisqu’il est une composante à part entière de la vie humaine. Ne dit-on pas, d’ailleurs que « le rire est le propre de l’homme » ?
Est-ce pour cette raison que le rire a été si peu pensé dans les réflexions théoriques et cliniques de la psychanalyse ? Autrement dit, à force de trop banaliser le rire comme étant « normal », ne prenons-nous pas le risque de passer à coté d’une
manifestation lourde de sens ?
En effet, si le rire est si propre à l’être humain, n’est-ce pas, justement, parce qu’il relève de processus essentiels de la psyché ?
Or tout ce qui est essentiel, mérite d’autant plus qu’on s’y attarde. De plus, la rigueur scientifique nous oblige à ne pas proposer une étude généralisante du rire, devenant, alors, réductrice.
Pour cette raison nous tenterons de dégager la signification et la fonction que peut avoir le rire pour un cas clinique bien précis. C’est, en effet, la rencontre avec un patient, Fabrice, qui fut le point de départ de nos réflexions sur le rire. Dans ce travail nous aborderons le rire dans une dimension à la fois pulsionnelle et contre-transférentielle, c’est à dire ce que signifient les composantes hostiles et sexuelles du rire chez le sujet et les autres.
C’est dans ce cadre, que nous mènerons une réflexion sur la fonction de l’humour, sur le plan thérapeutique. Même si l’humour peut être compris comme une défense, il ne doit pas être réduit à un type de mécanisme de défense précis et unique. Ce que nous avons appris avec Fabrice, c’est une polysémie de l’humour intervenant sur différents plans. Sans doute avec un autre patient nous aurions dégagé tout autre chose, ce qui prouve la grande richesse des significations et des implications de l’humour. D’ailleurs plutôt que d’utiliser le terme « d’humour », nous avons opté pour celui de « processus humoristique». Ce n’est pas qu’une simple subtilité de langage.
En effet, que disons-nous en proposons un autre terme ? Quel glissement cherchons-nous à instaurer ainsi ?
Premièrement,nous signifions par-là, qu’il existe un processus s’incarnant de la manière la plus net, dans l’humour, mais ne s’y réduisant pas. De ce fait, ce processus intervient aussi bien dans le mot d’esprit, le comique et l’humour, sans pour autant les réduire à une seule et unique définition. Maintenir leurs distinctions, nous le verrons restera fécond.
Deuxièmement, le terme même de « processus » induit l’idée de quelque chose qui ne reste pas figé, qui évolue d’un point à un autre, qui peut tout aussi bien aller en avant que revenir en arrière. Ce mouvement de va et vient rendrait compte d’un subtil jeu entre processus primaire et processus secondaire ou entre un retour sur soi et un mouvement vers l’autre.
En fait, nous avons emprunté ce terme à Jean-Luc Donnet dont nous garderons la définition, qui est pour nous des plus juste : « Le « chemin » du processus humoristique parcourt, on le verra, l’espace qui va de l’assise narcissique primaire à une objectalité
maintenue, à une butée d’altérité. »1.
Le processus humoristique tendrait-il vers l’autre ? Nous répondrons à cette question lors de ce travail. Maintenant que nous avons parlé de l’humour, quels sont les liens qu’il
entretient avec le rire ? La réponse à cette question semble être évidente : tout simplement, quand l’humour est réussi, il est reçu par l’auditeur comme étant drôle donc il rit. Bien entendu nous ne pouvons pas nous satisfaire d’une telle réponse. Ce n’est pas qu’elle soit fausse, au contraire, c’est plutôt qu’elle n’est pas suffisamment vrai. En effet, si nous y regardons de plus prés, du fait de la complexité des données (polysémie du rire, polysémie de l’humour, ce qui se passe pour le sujet, ce qui se passe pour les autres, ce qui se passe entre les deux etc.), ce sont des rapports plus subtils qui apparaissent entre les deux. Or c’est justement ce que nous a enseigné les prises en charge thérapeutiques de Fabrice, un jeune garçon de treize ans à l’entrée de l’adolescence. Nos observations s’appuient sur le psychodrame individuel puis en groupe dans lesquelles nous l’avons vu évolué. Pour notre part nous avons assisté à la fin de sa deuxième année de psychodrame ainsi qu’à sa troisième.
D’ailleurs, quel rôle avions-nous dans ce psychodrame ? En fait nous avions la place de co-thérapeutes, notre rôle était d’incarner les personnages choisis par le patient. Dans cette équipe de six co-thérapeutes, nous devions à la fois jouer de manière spontanée et naturelle tout en étant attentif au discours du patient et à son impact sur nous. C’est là selon nous la signification du terme un peu flou de « jouer dans le transfert », expression employée par le thérapeute (meneur du jeu) lorsque nous lui demandâmes comment il fallait jouer. Le thérapeute en question, que nous appellerons pour des raisons de secret professionnel, monsieur R. ne l’a été pour Fabrice que lors de sa troisième année de psychodrame, car pour ses deux premières années c’était madame M. qui fut sa thérapeute, Monsieur R. étant alors co-thérapeute. C’est après le départ de
madame M. que monsieur R. devint le thérapeute de Fabrice. Ainsi, nous verrons en quoi cette capacité de « jouer dans le transfert », qui est plutôt une façon de jouer en fonction d’une personnalité bien particulière et le changement de statut de monsieur R. eut un impact important dans la thérapie de Fabrice.
Abordons maintenant la problématique que nous allons travailler. Dans un premier aspect le rire de Fabrice intervenait toujours comme décharge de l’excitation sexuelle et apparaissait quand la dimension sexuelle était amenée par monsieur R. soit directement (quand il jouait comme co-thérapeute, dans les questions qu’il abordait en tant que thérapeute), soit indirectement par les doublages qu’il instaurait. Ce rire de Fabrice comme décharge d’une excitation sexuelle était donc à rapporter à la séduction que monsieur R. induisait.
Mais le plus important était le rire venant des autres, c’est à dire celui des co-thérapeutes et celui des autres patients. Riant ainsi à son insu de l’étrangeté qui émanait de lui. Ce rire était très emprunt d’agressivité ce qui était plutôt violent pour lui, le mettant alors dans une position passive. Dés lors, l’expression « il est drôle » était à entendre comme synonyme « d’étrange », de « bizarre », il faisait donc rire par son étrangeté. La question que nous sommes en droit de nous poser est celle du sens de ce rire, qu’est-ce qui était sollicitée chez les autres pour qu’il y eut une telle réaction ?
Mais ce rire évolua par la suite, il fut transformé par l’usage de l’humour en un rire que Fabrice décida de provoquer. Ainsi il devenait « drôle » par son sens du comique et de l’humour et non plus à son insu. Se rendant maître du rire des autres il n’était plus dans la passivité de l’objet risible mais dans l’activité de l’humoriste. De plus, le passage de « drôle » comme signifiant de son étrangeté et du rejet qu’il subissait, à « drôle » comme signifiant de sa capacité à faire de l’humour, avait permis que le fait de rire de lui se transformât en rire avec lui. Enfin, le processus humoristique lui avait offert la possibilité
de retourner l’agressivité et de critiquer le cadre tout en essayant de se faire aimer, liant ainsi le courant tendre et le courant hostile.
Ainsi, il s’agira de montrer comment, dans le cadre du psychodrame, le processus humoristique a permis, d’une part que le rire devienne signifiant d’autre chose, et d’autre part comment ce processus va permettre de prémunir le narcissisme de Fabrice et d’ouvrir la voie vers la secondarisation grâce à la médiatisation de l’Autre incarné par monsieur R. Et ceci afin de critiquer une étiquette de « psychotique » qui lui a été trop précipitamment collé.
Afin, de répondre à cette question, nous verrons comment à partir de la séduction et l’excitation sexuelle qu’elle engendre, Fabrice va par le rire comme décharge d’excitation, accéder à l’Autre. Ainsi grâce à cela, il trouvera les ressources nécessaires pour retourner l’hostilité au moyen du processus humoristique. Enfin, nous verrons que le processus humoristique est un processus rendant compte à la fois de la préservation narcissique est des processus secondaires et que ceci est permis par la présence
du tiers.
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J-L. Donnet, « L’humoriste et sa
croyance », Revue Française de Psychanalyse,
LXI, 3, Croyances, juillet 1997, PUF, Paris, p. 898
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Premier
Chapitre
Rire : de
la séduction à l’Autre
De manière, générale Freud a considéré
que le rire était une décharge d’excitation liée
à de la libido devenue libre suite à une économie
de dépense d’énergie psychique permise par les
mécanismes mis en œuvres dans le mot d’esprit, le comique
et l’humour.
Ainsi, il s’agira à
partir de la présentation de notre patient de préciser
comment il va se confronter à l’hostilité des autres
mais aussi à l’éveil des pulsions sexuelles. Ensuite
nous verrons comment cet éveil a été sollicités
par les mécanismes de séductions qui sont sous-tendus
par le cadre même du psychodrame et par la personnalité
de son thérapeute. Ceci nous permettra, alors, de dégager
ce que signifie le rire.
I. Présentation du patient
1) La première
année de psychodrame
Fabrice est un jeune
garçon de treize ans et vint consulter pour la première
fois son thérapeute actuel il y a trois ans. Durant cette
première année il venait en entretien individuel pour
finalement entamer un psychodrame analytique au bout d’un an. Mais
avant de commencer à parler de sa première année
de psychodrame, nous allons nous arrêter sur le compte-rendu de
son année d’entretien thérapeutique. Fabrice était
venu consulter car, en plus de problèmes psychomoteurs, à
l’école il semblait triste et n’avait pas d’amis. Sa
mère demanda donc une prise en charge car son fils (aîné
d’une fratrie de trois enfants) était toujours seul et était
la risée de tous ses camarades. Son père quant à
lui pensait qu’il était normal. Par contre Fabrice se
trouvait « anormal et voulait rester seul »1.
Lors de cette première année, son thérapeute
s’inquiéta des choses suivantes : la dysharmonie du
patient, ses absences dans les échanges, son discours
désaffecté et son air robotique.
Ainsi, afin d’aborder
plus aisément sa réalité fantasmatique, il
décida de proposer que sa prise en charge se poursuive par un
psychodrame individuel de type analytique. Mais lors de cette
première année de psychodrame, les jeux apparaissaient
comme étant factuels et dépourvus de résonances
fantasmatiques. Dés que s’amorçait le conflit, il
utilisait le factuel pour l’interrompre. Cependant l’évolution
de ses jeux tout au long de l’année nous montra pourquoi il
se défendait de l’émergence pulsionnelle. En effet,
quand malgré le recours à la banalisation défensive,
les pulsions agressives et érotiques apparaissaient, son corps
semblait être attaqué comme s’il était débordé.
A ce propos son thérapeute écrivit dans un compte-rendu
la chose suivante : « par certains cotés ses
rituels et ses stéréotypies, balancements des mains, du
corps entier, sautillement sur place, frottement de son sexe et ses
yeux qui font des mouvements circulaires, nous font penser à
des comportements que nous rencontrons dans la psychose
infantile. »2.
Ce compte-rendu précise aussi que ses comportements
dysharmoniques avaient diminué et qu’il s’était
mieux inséré socialement.
C’est à ce
moment que vont apparaître deux éléments
importants. Premièrement le rire de Fabrice comme la décharge
d’excitations sexuelles liée à la mise en scène
de fantasmes fustigations. Deuxièmement, le rire des autres, à
savoir celui des co-thérapeutes et plus tard celui des autres
patients (dans un psychodrame en groupe), portera la marque d’une
violence qui lui était renvoyée du fait du coté
« très étrange »3
qui se dégageait de lui.
2) La violence que lui
renvoyaient les autres
Afin de situer dans quel
contexte Fabrice se trouvait critiqué et moqué,
précisons un peu plus la description de ce qu’il dégageait.
Dés qu’il rentrait dans la salle de jeu, les co-thérapeutes
se mettait à ricaner. Ou juste avant qu’il n’entrât,
on pouvait entendre des phrases comme « attention c’est
Fabrice qui rentre » ou « il ne viendrait pas
de Mars ? ». Ainsi, durant ses deux premières
années de psychodrame, l’ensemble des co-thérapeutes
n’appréciait guère sa venue et ne faisait pas
beaucoup d’efforts pour le lui cacher4.
Les seules qui l’aimaient bien était la meneuse de jeu
(Madame M.) et le thérapeute qui s’était occupé
de lui en entretien individuel (Monsieur R) faisant parti à ce
moment là des co-thérapeutes. Fabrice le lui renvoyant
bien.
Comme nous l’avons dit
plus haut, le terme qui revenait le plus souvent pour le décrire
était le mot « étrange ». Cette
étrangeté n’était pas seulement liée à
ces différentes stéréotypies mais aussi au
contenu de ces jeux très archaïques et à une
impression de décalage qui se dégageait5.
Bien qu’il ne semblât pas remarquer nos réactions,
Madame S. lui faisait remarquer régulièrement, que nous
étions déconcerter par lui.
Cette violence fut encore plus grande lorsqu’il passa plus tard
en psychodrame en groupe (troisième année), qui comme
le psychodrame de groupe se pratique avec plusieurs patients à
la différence prés que les interprétations ne se
font pas en termes de groupes mais individuellement. De manières,
générales il pouvait entendre des rires ou des
critiques, ils disaient souvent qu’il était bizarre. Un
patient lui avait même dit une fois qu’il lui donnait
l’impression « d’avoir un corps mais pas d’âme ».
En effet, dans les jeux avec les autres enfants il était
toujours en décalage par rapport à ce qui se jouait et
répondait souvent à côté. Pourtant il
avait fait beaucoup de progrès par rapport à ses débuts
où Fabrice était en psychodrame individuel.
Malgré une
première année où ces jeux étaient
dominés par la banalisation et le thème de la
discussion, sa deuxième année fut saturée en
fantasmes sexuels prégénitaux avec des composantes
anales et urétrales assez importantes. Ou avec des mises en
scènes de tortures, de meurtres. Et ceci dans un rire
jubilatoire. Ainsi il pouvait exprimer une violence interne liée
à l’hostilité qu’il subissait de la part des
autres. Mais aussi par ce biais c’est comme s’il sexualisait sa
propre maltraitance dans une position masochiste.
3) les fantasmes de fustigations
Très vite lors de
cette deuxième année de psychodrame Fabrice mit en
place des jeux où furent très fortement exprimés
des fantasmes de fustigations associés à un rire
soulignant l’extrême plaisir qu’il y prenait. Ces fantasmes
s’exprimaient pour l’essentiel dans des érotiques
urétrales et surtout anales. Par exemple il avait
particulièrement jubilé lorsque dans un jeu un
personnage incarné par Monsieur R. lui avait enfoncé un
rat dans l’anus. En fait, tous les jeux de cette période qui
avait duré à peu prés un an, commençaient
toujours de la même manière, à savoir une
discussion banale (comme dans ses premiers jeux) qui tournait en
scène de torture. S’il était le masochiste6
qui prenait plaisir à être fustigé, Monsieur R.
était le père sadique qui le battait.
Ainsi,
le psychodrame par le déguisement du personnage avait permis
que le fantasme d’être battu par le père s’exprimât,
car Monsieur R. avait une fonction paternelle sans être le père
véritable. De plus, le patient ne jouait pas son propre rôle
mais un personnage qui portait un autre nom. Nous avons de ce fait la
condition nécessaire selon Freud pour qu’un fantasme d’être
battu par le père devienne conscient. Ceci est possible
lorsque « le moi propre [est] rendu méconnaissable
par un léger déguisement »7.
La personnalité de
monsieur R. avait aussi eu un rôle primordial dans l’expression
de ce fantasme. En effet, si comme nous l’explique Freud dans « le
problème économique du masochisme », « le
désir, […], d’être battu par le père est très
proche de cet autre désir, avoir des rapports sexuels passifs
(féminin) avec lui… »8,
celui-ci se transpose sous l’action du refoulement de
l’homosexualité en désir d’être battu par la
mère9.
Dans l’article « un enfant est battu » Freud
nous explique que le fantasme de fustigation chez le petit garçon
se décompose en trois phases : premièrement, il a
le fantasme d’être aimé par le père qui devient
dans un second temps celui d’être battu par le père
pour finalement aboutir dans une troisième phase à un
fantasme d’être battu par la mère10.
Si nous avons rappelé ceci c’est pour faire l’hypothèse
qu’une disposition chez Monsieur R. à assumer un transfert
aussi bien paternelle que maternelle associée à une
gestuelle parfois efféminée, avait permis à
Fabrice d’exprimer simultanément la deuxième et la
troisième phase du fantasme de fustigation chez le petit
garçon. Ainsi dans une formation de compromis le courant
homosexuel (les deux premières phases) avait pu être
maintenu simultanément au courant qui le réprimait (la
troisième phase). Malgré ce que nous venons de dire il
est encore un peu précipité d’en conclure qu’il
refoula une homosexualité latente. Tout d’abord l’être
humain est fondamentalement bisexuel, donc il est fréquent
qu’un courant homosexuel veuille s’exprimer (et soit alors
refoulé). De plus, nous verrons plus loin que face aux filles
de son âge, le rire et l’attaque de son corps furent la
marque de la décharge de l’excitation sexuelle.
Quoiqu’il en soit,
Monsieur R. avait eu un rôle primordial dans l’émergence
d’une dimension sexuelle dans les séances de Fabrice,
émergence possible que par le biais de la séduction, ce
qui nous oblige à aborder la question de la séduction
dans le psychodrame.
II. Fabrice face à la séduction
1) Le cadre du
psychodrame
Avant d’aborder la question de la séduction induite dans
la technique même du psychodrame, il nous paraît
important de préciser quelques éléments des
psychodrames dans lesquelles Fabrice avait évolué. En
effet, durant son parcours il était passé d’un
psychodrame individuel à un psychodrame en groupe (pour sa
troisième année, juste après les grandes
vacances).
Le psychodrame individuel
se déroulait de la manière suivante : madame M.
était la meneuse de jeu et avec elle il y avait six
co-thérapeutes dont Monsieur R.. Les cinq autres
co-thérapeutes étaient des stagiaires psychologues.
Lorsque le patient arrivait dans la salle avec madame M. qui venait,
en fait, le chercher dans la salle d’attente, ils étaient
tous les deux debout tandis qu’en face d’eux assis sur des
chaises, elles même appuyées contre le mur, se
trouvaient les co-thérapeutes. Ainsi, nous étions
d’emblée dans une situation de face à face, presque
comme dans un duel, et ceci aura son importance par la suite.
Ensuite, elle entamait la discussion avec le patient, présentait
les co-thérapeutes, puis l’invitait à proposer à
mettre en scène un jeu, le terme exact était « mettre
un jeu », soulignant, par cette condensation de « mettre
en scène » et de « proposer un jeu »,
l’aspect théâtral dans sa forme, et la dimension
transitionnelle et thérapeutique du jeu. Le patient
choisissait un nombre de personnages parmi les co-thérapeutes,
la meneuse ne jouant pas. Il définissait le nom, le sexe,
l’âge et un trait de caractère pour chaque personnage,
lui-même devant jouer un personnage mais avec un nom
obligatoirement différent du sien, ceci afin de pouvoir
exprimer des choses sous couverts d’un déguisement et de
permettre de lui faire dire certaines choses en prétextant que
c’est un personnage qui le disait mais pas lui. Ceci ayant pour
finalité de contourner certaines défenses. Quand tout
ceci était terminé, les co-thérapeutes et le
patient jouaient pendant que madame M. s’asseyaient. A l’occasion
elle pouvait demander à un co-thérapeute ne jouant pas
de doubler une réplique qu’elle lui avait soufflée à
un personnage, ou elle pouvait aussi introduire un nouveau
personnage. Elle avait aussi la possibilité de couper le jeu
afin de poser des questions, faire des remarques, proposer des
interprétations ou bien inverser des rôles.
Le psychodrame en groupe
n’était pas si différent, à la différence
prés que le meneur restait debout et qu’il soufflait les
répliques directement. Ce psychodrame était dirigé
par monsieur R. car madame M. était partie quand ce groupe
s’était constitué. Contrairement au psychodrame de
groupe les interprétations étaient faites pour chaque
patients pris individuellement et non pas en terme de groupes même
si la dynamique groupale était prise en compte dans ce que
disait le meneur aux patients. Ce groupe dont faisait partie Fabrice,
existait depuis cette année (donc sa troisième année
de psychodrame).
2) La séduction dans le psychodrame
Maintenant que nous avons
précisé les différents cadres de psychodrames
que Fabrice avait rencontré, nous pouvons aborder la question
de la séduction qui est induite par la technique du
psychodrame. Les dispositifs du psychodrame de par leurs natures
éveillent en soi des processus de séductions.
Dans un article intitulé
« Le psychodrame analytique : quelle séduction ? »11
Paul Israel, nous explique en quoi le psychodrame active la séduction
à deux temps et quelles en sont les bénéfices
pour le processus thérapeutique.
Tout d’abord, l’auteur
rappelle que la séduction « est au cœur des
processus de transformations » et qu’elle permet ainsi
une « réorganisation des processus de symbolisation
défaillant [se faisant] sur le modèle en deux temps
dont le prototype est la séduction hystérique »12.
L’auteur s’attarde alors sur deux aspects du psychodrame :
le psychodrame de part sa situation voyeuriste, l’excitation du jeu
et les sollicitations motrices et sensorielles, provoque une
excitation particulièrement forte pour le patient et les
co-thérapeutes. D’ailleurs se sont ces derniers qui amènent
la « figuration dramatisée des fantasmes
inconscients »13.
Dés lors, le psychodrame offre les deux conditions de la
transformation qualitative de l’excitation : « l’intensité
des stimulations sensorielles et l’étrangeté des
messages »14,
étrangeté qui est liée à « une
double inconnue : celle des modèles métapsychologiques
[…] et celle de leurs propres fantasmes sexuels inconscients… »15
ce qui permet qu’une « énergie circulant jusque
là trop librement retrouve les qualités et les
fonctions de la pulsion sexuelle. »16.
Ainsi « à partir d’une symbolisation primaire
restaurée, la transaction de la pulsion avec les objets
oedipiens rendra possible et nécessaire le refoulement
secondaire. »17.
Et l’auteur de conclure que le psychodrame fonctionne « grâce
à la mise en œuvre de deux temps de la séduction
traumatique : la séduction originaire, d’une part, par
la charge d’excitation et la métabolisation des messages
énigmatiques et d’autre part, la séduction hystérique
fonctionnant comme dans la cure classique en après-coup,
signifiant des événements joués, sans avoir été
immédiatement compris. »18
Bien que nous soyons tout
à fait en accord avec les idées de ce texte car elles
rendent effectivement bien compte de la réalité du
psychodrame, il nous aurait paru plus juste d’insister d’avantage
sur l’accueil que font les co-thérapeutes des fantasmes du
patient. En effet, l’auteur justifie l’apport des fantasmes par
ceux-ci du fait de la pauvreté fantasmatique de certains
patients destinés au psychodrame, mais il ne faut pas
confondre une expression limitée des fantasmes avec la
pauvreté des fantasmes : la défense contre
l’expression des fantasmes inconscients est d’autant plus forte
que ces derniers sont intenses. Par exemple un co-thérapeute
qui a une personnalité séductrice aura tendance à
faire ce que le patient attend.
3) La séduction
de monsieur R.
Une des choses les plus
frappantes avec monsieur R. c’est qu’il est beaucoup dans la
séduction. Il ne s’en cache pas d’ailleurs, il, dit
lui-même qu’il « utilise son hystérie »
en thérapie et que c’est grâce à la séduction
qu’il engage le transfert. Un des signes de cette séduction
est l’utilisation de l’humour qu’il ne justifie pas
théoriquement mais parce qu’il a une propension naturelle à
faire de l’humour, des jeux de mots etc. Du fait du transfert
intense que Fabrice faisait sur lui, il n’est pas impossible que
l’utilisation de l’humour et du pied de nez qu’il fera
plus tard, ainsi que le retournement, dans ses derniers jeux en
psychodrame individuel, de la passivité en activité,
c’est à dire devenant celui qui fustige, torture et détruit,
soit le signe d’une forte identification à monsieur R..
Cette identification était telle, que dans certains jeux il
apparaissait des confusions entre son personnage et celui de monsieur
R. au point qu’on ne savait plus qui était qui. A d’autres
moments apparaissait le fantasme qu’ils ne faisaient qu’un. Et
pendant longtemps il ne voulait jouer qu’avec monsieur R. et quand
il y avait d’autres personnages, ceux-ci n’étaient que les
lieutenants du maître qui torture. D’ailleurs ce dernier
prenait beaucoup de plaisir à assumer ce rôle. Et dans
cet acte sexuel sado-masochiste Fabrice exprimait sa propre
satisfaction sexuelle par un rire jubilatoire et dont les
débordements se traduisent par les attaques de son propre
corps. Ainsi « s’il y a séduction, c’est une
invitation au patient à se rapprocher de sa vie
émotionnelle et fantasmatique dont les expressions deviendront
pour lui source de plaisir parfois inconnu. »19.
De
part sa personnalité séductrice Monsieur R. a été
sensible à des fantasmes masochistes demeurés jusqu’à
présent inconscient chez Fabrice. En les mettant en scènes
dans un cadre proposant un déguisement (celui d’incarner un
personnage qui n’est pas soi), ceux-ci ont pu s’exprimer sans en
éveiller leur refoulement. De plus, en découvrant, son
masochisme chez lui, Fabrice découvrait du même coup le
sadisme chez l’autre. Et parce qu’il a été séduit
par ce père qui bat, il était logique qu’il chercha à
lui ressemblait : ce qui fut une porte ouverte à
l’identification.
Il
est intéressant de noter que la période où il se
mit à torturer à son tour avait correspondu avec le
moment où il ne choisissait plus monsieur R. dans ses jeux. En
prenant sa place, cette place qu’il convoitait à présent,
monsieur R. n’avait plus alors la sienne. Il devenait donc inutile
au jeu. Mais il avait toujours besoin, du moins dans un premier
temps, que quelqu’un l’étaye et le pousse au crime. Dans
un second temps, cet autre ne faisait que l’assister dans ses
tortures, Fabrice prenait alors la place du maître. Dans ces
jeux où tous ceux qui s’opposaient à lui notamment
ses frères, sœurs, étaient détruits et
torturés, Fabrice gardaient un traitement de faveur aux
parents dans les jeux, en les immolant. Dans ces moments là la
décharge d’excitation par le rire n’était plus
celui du masochiste mais le rire triomphal du sadique. En
s’identifiant à monsieur R. c’est comme s’il avait
retourné la passivité en activité.
Nous
voyons dores et déjà comment le rire peut devenir
signifiant d’autres choses grâce au cadre du psychodrame et
la médiatisation de l’Autre. Il est temps maintenant de
préciser d’avantages ce que peut revêtir le rire. Nous
allons donc voir quels sont les différents sens du rire que la
métapsychologie peut dégager.
III. Les perspectives métapsychologiques du
rire
1) Le mot d’esprit,
le comique et l’humour
Nous
avons coutumes de rapporter le rire à ce qui est drôle,
et bien que le rire ne se limite pas à ceci, leurs liens
demeurent importants et surtout très instructifs. Ainsi, nous
commencerons par voir ce que la distinction Freudienne entre le mot
d’esprit, le comique et l’humour, nous apporte comme précisions.
Pour
Freud en 1905, que ce soit le mot d’esprit, le comique ou l’humour,
nous avons affaire à une économie générale
de dépenses d’énergies : « Le plaisir
du mot d’esprit nous a semblé provenir de l’économie
d’une dépense d’inhibition, celui du comique de
l’économie d’une dépense (d’investissement)
de représentation, et celui de l’humour de l’économie
d’une dépense de sentiment »20.
Ceci va dans le sens du « principe économique de la
moindre dépense »21.
Freud insérant le tout dans un plaisir de retrouver la paradis
perdu de l’enfance « où nous avions l’habitude
de faire face à notre travail psychique au prix d’une
dépense somme toute minime… »22.
Et lorsque nous rions suite à cela, il est à comprendre
comme une décharge de l’énergie économisée
restée libre23.
Le
mot d’esprit ne fait pas nécessairement rire, et se
caractérise par le fait que celui qui l’émet n’en
rit pas mais qu’il a besoin nécessairement de le communiquer
à l’autre. Et ceci afin d’en rire soi-même « par
ricochet »24.
L’aspect social se comprend alors de la manière suivante :
le sujet fait un mot d’esprit à propos d’un objet en
s’adressant à une tierce personne. Lorsqu’il y a que deux
personnes, la seconde correspond à la tierce personne car
l’objet du mot d’esprit n’est pas nécessairement
physiquement présent25.
Freud précisant ensuite que la tierce personne doit avoir une
disposition pour en rire26.
Si l’émetteur du mot ne rit pas c’est par ce qu’il a
utilisé de l’énergie dans le travail du mot d’esprit
donc il n y a plus dans ce cas un surplus d’énergie à
décharger27.
L’autre aspect important que dégage Freud à propos du
mot d’esprit c’est que son travail est comparable à celui
du rêve utilisant les mêmes mécanismes
(déplacement, condensation et figurabilité). Nous
assistons pour les deux à une pensée préconsciente
élaborée par l’inconscient qui émerge ensuite
à la conscience sous la forme d’un mot d’esprit28.
Ainsi par le mot d’esprit, le sujet lève le masque sur
quelque chose en s’adressant à l’Autre que ce dernier
authentifie29.
La
situation comique quant à elle, n’a pas besoin d’être
communiquée pour fonctionner30,
par exemple nous pouvons rire seul de quelqu’un qui tombe par
terre. La personne tierce n’est donc pas indispensable31.Ce
qui rend quelque chose comique, c’est « l’imitation,
le déguisement, le démasquage, la caricature, la
parodie et le burlesque, etc. »32.
Or nous retrouvons souvent ceci dans les jeux du psychodrame. Pour
Freud ce qui rend efficient le comique peut se résumer en un
décalage. Résultant d’une différence de
dépense entre le Moi adulte et le Moi infantile33 :
d’une part, lorsqu’une situation rappelle la faiblesse de
l’enfant (par exemple quelqu’un qui tombe ou qui doit faire avec
beaucoup d’efforts ce que le rieur fait facilement), d’autre
part, lorsque la naïveté du comique rappelle l’absence
d’inhibition de l’enfant, là où pour un adulte on
aurait vu de l’obscène, pour l’enfant on l’attribue à
de la naïveté34.
Nous rions d’autant plus en tant qu’adulte que la situation nous
rappelle notre part infantile car nous nous représentons la
différence quantitative soit par identification soit par
projection35
même si Freud ne l’exprime de cette manière. Donc,
ce qui définit principalement l’effet comique est en rapport
avec un décalage.
En
1905, l’humour est, pour Freud, une « économie de
dépense d’affect »36
qui « soustrait à l’affect une part de son
énergie et lui donne en échange la résonance
humoristique »37.
Un peu plus loin dans le texte, Freud touche du doigt ce qui
deviendra la fameuse formule de 1927 (nous y reviendrons plus loin)
dans justement ce qui touche à la fois du domaine de l’humour
et celui du comique, c’est à dire que dans les deux cas nous
avons affaire à une comparaison : « je suis
trop grand(iose) pour que cela me touche de façon pénible. »38.
Nous retrouvons, en effet, dans cette formule la comparaison entre
grand et petit. Nous verrons plus loin à qui s’adresse un
tel message. De manière, générale Freud
considère que l’humour est une défense39.
2) Le rire et la
pulsion
Si l’humour est une
défense, contre quoi se défend t-il ? Ce qui nous
pousse à nous demander lorsqu’il provoque le rire, quels
liens pouvons-nous faire, alors, entre pulsion, interdit et rire.
Toujours concernant l’humour, Jean Bergeret nous explique que
« l’énergie pulsionnelle libre, retirée
aux affects gênants, arrive à satisfaire le processus
primaire en se déchargeant de façon immédiate et
directe, mais arrive tout de même aussi à demeurer en
conformité avec le principe de réalité grâce
à une élaboration secondaire… »40.
Ainsi, dans l’humour nous avons affaire à un compromis entre
l’expression pulsionnelle et ce qui tente de l’interdire ou du
moins de l’atténuer. Or dans le processus même du rire
nous retrouvons cette double exigence.
En effet, le rire à
quelque chose à avoir avec la décharge pulsionnelle et
ceci dés ses premières manifestations comme nous le
rappelle Jacqueline Cosnier : « Ces stimuli ont un
effet contagieux sur le système moteur, mais le bébé
est incapable de répondre de façon appropriée
sur le plan moteur et rire décharge alors le tonus en
excès. »41.
Le rire viendrait donc lorsque l’excitation pulsionnelle déborde
la capacité de contenir l’excitation par le Moi.
Nous avons un très
bon exemple de ceci dans un jeu où Fabrice était seul
dans une salle d’étude de son collège avec une fille
de son âge :
Monsieur R. qui était
alors meneur de jeu lui double la réplique suivante qu’il
devait dire à la fille : « je pourrais
d’embrasser ! ».
Il ne répète
pas la réplique il se met à avoir un fou-rire. Et
lorsque la fille lui demande pourquoi il rit, il répond :
« rien »
Le meneur arrête
alors le jeu :
-
Le meneur ( parlant
du personnage joué par Fabrice) : Dés qu’il
voit une meuf, il flippe.
Fabrice
rigole.
-
Le meneur :
pourquoi avez-vous rigolé dans le jeu ? -
Fabrice : Parce
que c’était marrant.
Ensuite
Monsieur parle d’Adam et Eve, et du pêché originel. Le
patient se met alors à rire.
-
Le meneur :
Pourquoi rigolez-vous ? -
Fabrice : C’est
comme ça, ça se déclenche tout seul, des fois
je rigole pour rien.
Ou alors après un
autre jeu :
-
Le meneur :
Vous-vous masturbez ? -
Fabrice : Je ne
sais pas ce que ça veut dire -
Un autre patient du
même âge : Moi non plus. -
Le meneur :
Touchez-vous votre zizi des fois ? -
Le patient du même
âge : Pour aller aux toilettes, oui.
Fabrice
se met à rire, et lorsque le meneur lui demande pourquoi, il
répond en riant : « Mais c’est vous qui me
faites rire, avec votre truc dans la bouche ! »
(le meneur avait un stylo dans la bouche)
Ainsi, Fabrice semble
rire lorsque l’excitation sexuelle le déborde. Mais il
réagit aussi de la sorte lorsqu’il prenait du plaisir à
agresser les autres. Le rire serait donc la trace d’un plaisir trop
grand. Mais devons-nous pour autant limiter le sens de ce « trop »
à un débordement ? Ne serait-il pas aussi
l’expression du Surmoi qui juge qu’il y a un excès de
plaisir à l’endroit même de la transgression d’un
interdit dont il est le garant ?
C’est en tout cas ce
que développe Ferenczi dans son texte sur le rire42.
Pour l’auteur, « Le rire est un échec du
refoulement, un symptôme de défense contre le
plaisir »43,
c’est en fait un « jeu entre conscience (morale)
et plaisir à être méchant ; la
méchanceté fait le plaisir, la conscience morale
fait le rire. »44.
Ce rire serait alors une punition car il est « une
intoxication au co2 automatique (étouffement des
tissus) »45.
Ce qui étouffe le Moi en l’intoxiquant n ‘est donc
rien d’autre que le Surmoi, soulignant du même coup un
rapport du rieur avec quelque chose de plus large que le Surmoi :
l’Autre.
3) Le rire et l’Autre
Si le rire et l’humour
souligne une dialectique particulière entre le Moi et les
instances idéales (Surmoi et Idéal du Moi), sur
lesquelles nous reviendrons plus loin, le rire en tant que tel
s’adresse à l’Autre. Si c’est l’Autre dans sa fonction
symbolique qui authentifie le mot d’esprit en tant que tel46,
c’est le rire qui est le signe que le sujet a reconnu la présence
de l’Autre. C’est dans cette perspective que Daniel Sibony
affirme que le rire « est à coup sûr une
façon drôle d’actualiser l’Autre, l’Autre qui nous
habite, on l’étale au grand jour et on s’en détache
dans ce mouvement pulsatile rapide… »47.
Elle en tire alors la conclusion que « si le rire est une
décharge, c’est aussi une vive recharge de contacts à
l’inconscient, une recharge de symbolicité. »48.
Donc le rire par l’alternance d’expiration et d’inspiration
signifierait la joie de retrouver l’Autre pour mieux s’en
détacher la seconde d’après. Or Fabrice pendant une
période d’un an avait toujours besoin de monsieur R. et le
choisissait systématiquement dans ses jeux. Ce qui contrastait
avec une seconde phase où il ne le prenait plus du tout.
Monsieur R. serait-il cet Autre que Fabrice invoque pour ensuite s’en
détacher ? Rire serait-il une sorte de jeu de la bobine
avec l’Autre ?
Selon Lacan, dans le rire
« la demande vient à bon port, à savoir
au-delà du masque, rencontrer ici, non pas la satisfaction,
mais le message de la présence. […] Lorsque le sujet accuse
réception qu’il a bien devant lui la source de tous les
biens, alors éclate assurément le rire… »49.
Ainsi, tout ce qui peut
potentiellement faire rire, à savoir le mot d’esprit, le
comique et l’humour, souligne un certain rapport à l’Autre.
En ce qui concerne le mot d’esprit par exemple Lacan nous explique
que « Peu importe, tout est bon pourvu qu’un certain
objet à ce moment-là occupe l’Autre »50.
En fait, « ce qui nous amuse là, c’est la
satisfaction que trouve dans sa déception même le sujet
qui a laissé échapper ce mot innocent. [Du même
coup, le sujet] est cette fois ci entier, si l’on peut dire, au
niveau de l’Autre »51.
Pour ce qui est du
comique, Lacan considère que « le problème
de l’Autre et de l’amour est au centre du comique. »52.
Et ceci dans le sens « d’avoir un Autre tout à
soi. C’est ce que l’on appelle l’amour. »53.
Selon Jean-luc Donnet,
l’humour évoque la troisième personne (pas celle qui
est l’objet de la plaisanterie, mais celle qu’on tente de faire
rire) pour qu’« en s’adressant à lui-même,
il se fasse Autre. »54.
Pour résumer, le
rire, dans un premier temps, authentifie la présence de
l’Autre, dans un second temps il est le signe de son détachement.
De ce fait, en s’assurant de sa présence, le sujet a la
chance d’avoir un Autre tout à soi comme dans le comique.
Mais c’est par ce que le sujet se met au niveau de l’Autre comme
dans le cas du mot d’esprit, qu’il peut s’en détacher.
Par contre l’humoriste va encore plus loin, surtout dans
l’autodérision, car il devient l’Autre dans le sens où
le sujet est « entre la première et la troisième
personne (il se fait rire lui-même) »55.
Maintenant posons-nous la question des
avantages que va en tirer le sujet.
_______________________________________
1
Extrait du compte-rendu de son année d’entretien individuel
2
Extrait du compter-rendu de la fin de sa première année
de psychodrame
3
Nous utilisons ce terme car il est revenu très régulièrement
dans le discours qu’avaient l’équipe et les patients à
son égard.
4
Nous verrons d’ailleurs tout au long de ce travail comment ceci
fut renversé
5
Nous reviendrons plus tard sur cette impression de décalage
lorsque nous aborderons la notion de comique
6
Nous verrons plus tard comment ce masochisme va se secondarisé
7
S. Freud, « Un enfant est battu ( Ein Kind wird
geschlagen) », (1919), G.W, XII, 197-226, in
Névrose, psychose et perversion, trad. sous la direction
de Jean Laplanche, PUF, Paris, 1973, 11e éd. 1999,
p. 229
8
S. Freud, « le problème économique du
masochisme », op. cit., p. 296
9
S. Freud, « un enfant est battu », op.
cit., p. 239
10
ibid., pp. 237-238
11
P. Israel, « Le psychodrame analytique : quelle séduction
? » Cahiers de l’IPPC , 1989, n° 9, La
séduction en psychothérapie, (Institut de
Psycho-pathologie clinique. Colloque du 18 novembre 1988),
association G.R.E.U.P.P, Paris, pp. 35-43
12
ibid. p. 36
13
ibid. p. 38
14
ibid. p. 39
15
idem
16
idem
17
idem
18
idem
19
A. Eiguer., « le « dribble » du
thérapeute », Humoresques, n°16, Santé
du rire : Humour et thérapies, juin 2002,
CORHUM, Paris, p. 100
20
S. Freud, le mot d’esprit et sa relation à l’inconscient
(Der Witz und seine Beziehung zum unbewussten), (1905), G.W,
VI, 1-285, trad. Denis Messier, Gallimard, coll.
Folio essais, Paris, 1992, pp. 410-411
21
S. Freud, « Formulations sur les deux principes du cours
des événements psychiques (formulierungen über
die zwei Prinzipien des psychischen Geschehens) »,
(1911), G.W, VIII, 230-238, in Résultats, idées,
problèmes I, trad. sous la direction de Jean Laplanche,
P.U.F, Paris, 1984, p. 138
22
S. Freud, le mot d’esprit et sa relation à
l’inconscient., p. 411
23
ibid., pp. 268-269
24
ibid., p.
263
25
ibid., p. 264
26
ibid., p. 265
27
ibid., p. 273
28
ibid., p. 300
29
nous reviendrons plus loin sur ceci
30
ibid., pp. 262-263
31
ibid., p. 264
32
ibid., p. 336
33
ibid., p. 393
34
ibid., p. 391
35
ibid., p. 346
36
ibid., p.400
37
ibid. p. 406
38
ibid., p. 408
39
ibid., p. 407
40
J. Bergeret, « Pour une métapsychologie de
l’humour », Revue Française de Psychanalyse,
XXXVII, 4, L’humour, juillet 1973, PUF, Paris, pp. 542-543
41
Cosnier J., « Humour et narcissisme » op.
cit., p. 571
42
S. Ferenczi, « Rire (Lachen) », (1913), in
Psychanalyse IV. Oeuvres complètes. 1927-1933, trad.
par l’équipe du Coq Héron, Payot, Paris, 1982, pp.
203-206
43
ibid., p. 205
44
idem
45
ibid., p. 204
46
J. Lacan, « une femme de Non-Recevoir »
in Le séminaire Livre V Les formations de l’inconscients,
(1957-1958), Seuil, Champ Freudien, Paris, 1998, p. 125
47
D. Sibony, « Bribes de rire et d’humour » in
NYSENHOLC A., SZAFRAN A. W., sous la direction de, Freud et le
rire, Métailié, coll. Sciences Humaines, Paris,
1994, p. 72
48
ibid., P. 73
49
J. Lacan, « Les masques du symptôme » in
op. cit., p. 332
50
J. Lacan, « une femme de Non-Recevoir » in op.
cit., p. 123
51
ibid., p. 128
52
ibid., p. 133
53
idem
54
J-L. Donnet, « L’humoriste et sa croyance »
op. cit., p. 917
55
ibid., p. 902
____________________________________________________________________
Deuxième
chapitre
L’hostilité dans le rire et
l’humour
Face à l’hostilité et à la moquerie, Fabrice
n’a pas eu d’autres solutions que de les retourner afin de
désarmer l’adversaire. Nous allons donc voir comment et dans
quelles mesures, Fabrice a réussi à passer de l’agressé
à l’agresseur en retournant la passivité en activité.
Dans ce chapitre, il s’agira alors à partir des racines
hostiles des rires qu’il provoque à son insu, de donner sens
au retournement de l’hostilité et à la tentative de
désarmer l’adversaire.
I. Pourquoi rit-on de lui ?
1) Le
décalage du comique
A
partir de l’idée que Freud a développé autour
de la notion de comique, à savoir qu’elle se rapporte à
un effet de décalage lié à une comparaison, nous
tacherons de comprendre en quoi Fabrice est comique. En effet, une
des raisons pour laquelle nous rions de quelqu’un réside
dans le fait que nous le trouvons comique.
Dans
son texte de 1905, Freud lie le comique à « un
contraste psychologique » dont la décharge par le
rire est la traduction d’une différence de dépense
qui est apparu soudainement1.
Ainsi, il est assuré que nous sommes en présence du
comique lorsque la différence entre les deux dépenses
comparées augmente, par exemple quand quelque chose de bas est
comparé à quelque chose de haut2.
De
cette différence entre le moi de l’adulte et celui de
l’enfant, il s’agit de retrouver chez l’autre, l’enfant3.
Ce qui rendrait Fabrice comique, serait-ce ce rappel de notre prime
enfance que nous revivons à travers ses stéréotypies ?
Il ne
s’agit pas de cela selon nous. Bien que l’une des premières
impressions qui se dégage de Fabrice, soit en effet son aspect
décalé par rapport à ce qui se joue et qu’il
est qualifié d’étrange aussi pour cette raison là,
un autre signe a retenu notre attention. Ce signe c’est la
difficulté pour notre part à dire s’il est
psychotique ou pas, d’une certaines manières, pour ne pas
prendre de risque, l’ensemble de l’équipe du psychodrame
s’est accordé à parler de « psychose
légère ». De plus, alors même que
certains co-thérapeutes avaient déjà rencontrés
la psychose chez des patients du même âge sans leur avoir
ri au nez, ils ne retenaient pas pour autant leurs éclats de
rire face à Fabrice. D’où provient donc cette
différence ?
Notre
hypothèse est la suivante : Le décalage se situe
chez Fabrice sans pour autant être du clivage. Ceci fait écho
en fait à ce que Freud expliquait à propos de la
différence quantitative : « Nous avons dit que
la différence quantitative comique, on la trouvait, ou bien
-
grâce
à une comparaison entre l’autre et le moi,
ou
bien b) grâce à une comparaison qui se situerait
totalement à l’intérieur de l’autre,
ou
bien c) grâce à une comparaison qui se situerait
totalement à l’intérieur du moi. »4.
De ce
fait, c’est sur la « comparaison qui se situerait
totalement à l’intérieur de l’autre »
que nous allons nous attarder. Cet axe a été développé
plus en détail par Adolphe Nysenholc dans un article
intitulé : « Le héros comique et
l’enfance »5.
Il
part du constat que le héros tragique et le héros
comique, ont des points communs :
1/ Si
nous assistons à une levée des inhibitions chez le
comique, le héros tragique quant à lui transgresse les
tabous (Œdipe en est peut-être le meilleur exemple)
2/
Chez ces deux types de héros, nous retrouvons l’âge
d’or de l’enfance « où l’on ignorait les
inhibitions ». Par exemple, nous fait remarquer l’auteur,
« Electre et Néron sont tous deux bloqués à
un stade infantile antérieur »6
Mais en quoi alors réside la différence ? Selon
l’auteur « le héros tragique fait un avec sa
nature première : l’adulte réalise en acte les
complexes en puissance de l’enfant. Le héros comique lui est
double : en lui man et child sont en rupture, l’un
ne maîtrise pas l’autre qui le dessert au moment où il
s’y attend le moins. »7.
Nous pouvons ajouter que souvent Fabrice dans ses réponses
dans les jeux déconcerte l’autre et l’arrête dans
son discours, mais nous reviendrons sur ceci par la suite.
L’auteur explique ceci par le fait que le « gag
dysfonctionnel dans le récit est l’extériorisation de
la nature du héros comique, man-child, homme décalé
de lui-même par les retours inopportuns du refoulé qui
le divisent et le rendent incongru à lui-même et aux
autres. »8.
La nature du comique relèverait donc d’une subtile
dialectique entre le refoulement et le retour du refoulé où
l’autre perçoit quelque chose du retour du refoulé à
l’insu de celui qui est comique. Il suffit de voir pour s’en
persuader les rires qu’engendrent dans le psychodrame les lapsus
des patients car comme le dit Bergson « un personnage
comique est généralement comique dans l’exacte mesure
où il s’ignore lui-même. Le comique est
inconscient. »9.
En fait c’est comme-ci le rire dans ce cas là signifiait
« c’est lui qui a reçu le mauvais coup, pas
nous »10.
Nous trouvons là la part hostile du rire. Cette part hostile
que nous pouvons nommer « rire d’exclusion »
qui est selon nous la principale signification du rire que subit
Fabrice.
2) Le rire d’exclusion
Comme
nous l’avons déjà dit dans la première
partie11,
Fabrice s’est confronté à une forte violence de la
part des co-thérapeutes et des autres patients, Dont l’une
des traductions étaient leurs rires. Et lorsque, le meneur
demandait aux patients pourquoi ils riaient, ces derniers répondaient
qu’ils trouvaient Fabrice très étrange. Ainsi ce rire
d’exclusion signifiait : « tu es bizarre tu n’es
pas comme nous ». Cet aspect de rejet dans le rire est un
premier sens du rire que nous pouvons dégager à propos
de Fabrice. Bien avant que le rire de Fabrice prenne la place qu’il
aura plus tard, le rire était d’abord celui de l’autre qui
l’excluait. Même si le qualificatif de « marrant »
qui parfois fut associé à l’étrangeté
de Fabrice, pourrait nous sembler témoigner d’une tendresse
envers lui, n’oublions pas qu’ « un « rire
d’accueil » pourrait s’opposer à ce « rire
d’exclusion »… »12
comme pour ce défendre de l’hostilité envers lui.
A
cela il faut ajouter le rire qu’il provoque lorsqu’il se met à
rire sans raison apparente. D’ailleurs, à ce propos les
autres patients ont verbalisé plusieurs fois que le fait que
Fabrice se mette à rire pour rien, les énervaient. Il
est intéressant de noter que c’est au moment où le
meneur questionne le sens de leur rire à propos du rire
énigmatique de Fabrice, que l’hostilité se verbalise
enfin, soulignant l’angoisse qui est liée au déclenchement
de certains rires. Angoisse qui est liée dans ce cas à
l’énigmatique rire de Fabrice. Ainsi, « il y a
là, actualisé par le rieur, quelque sorte qui
s’exprime, qui se « met dehors » et qui,
avant même de vouloir dire quelque chose (que diable y a t-il
derrière ce rire ?) se phénomènalise dans
le monde de façon intrinsèquement intempestive. »13.
Nos réactions par le rire (que Fabrice ait rit ou pas) ne
relèveraient-elles pas d’une angoisse face à quelque
chose qui nous échappe ? De ce fait, il y a le rire de
l’authentification de la présence de l’Autre et un rire
provoqué par l’angoisse suscité par un caractère
énigmatique qui se présente à nous sans que nous
puissions y donner la moindre signification. Mais dans ce cas que
devons-nous en conclure sur la nature du rire ? Devons-nous
forcément chercher une signification unique au rire ?
Nous avons presque deux significations autonymiques du rire.
Peuvent-elles s’articuler ou pas ? Malheureusement ces
questions restent en suspens pour nous. Nous devrons donc continuer
ce travail sans pouvoir y répondre. Néanmoins, elles
montrent à quel point la clinique ré-interroge toujours
la théorie.
De
toute manière, Fabrice ne semble pas montrer qu’il a
remarqué l’hostilité qu’il provoquait. Par exemple
lors d’un arrêt d’un jeu :
-
Meneur :
Pourquoi rigolez-vous bêtement ? -
Fabrice :
Comme ça ! Des fois je rigole pour rien. -
Meneur :
Les enfants de votre âge ne supportent pas ça ! -
Fabrice :
ils ne m’ont rien dit -
Meneur :
Si vous vous souvenez de Martine (une ancienne patiente qui avait
joué avec lui) ? Soyez honnête.
Ou encore quand un co-thérapeute lui demanda s’il avait
remarqué que les co-thérapeutes riaient de lui :
-
Fabrice :
je sais pas -
Co-thérapeute :
A votre avis vous l’attribueriez à quoi ? -
Fabrice :
Parce que c’est rigolo ?
Visiblement, il ne semble rien remarquer. Mais nous ne croyons pas en
cela. Premièrement, sa réponse « c’est
rigolo » ne serait-elle pas un premier pas vers la prise
de conscience d’un côté risible de son être où
l’utilisation du terme « c’est »
soulignerait un élément inconscient qu’il ne
s’approprierait pas encore mais dont il repèrerait, tout de
même, l’existence (il y a ce quelque chose quelque part, on
ne sait où, qui est risible).
De plus, nous allons voir qu’il a quand même repérait
cette hostilité, au moins inconsciemment puisqu’il va
retourner cette hostilité par le recourt à la critique,
à la rivalité et à la distanciation de son
image. Puis dans un deuxième temps, ce retournement se
renforcera en désarmant l’adversaire.
II. Le retournement de l’hostilité
1) La
critique de l’équipe
Du
moins de manière implicite, Fabrice semble critiquer l’équipe
par moment. Ce qui nous mîmes sur cette piste pour la première
fois fut sa réponse, à la fois étonnante et
lourde de sens, à la question suivante :
-
Monsieur
R. : Pourquoi venez-vous ? -
Fabrice :
Pour ne pas m’ennuyer
Interpréter cette réponse pourrait sembler un peu
désuèt. Mais nous pouvons néanmoins proposer
plusieurs possibilité de l’entendre, qui bien que
différentes comportent, toutes, une part de critique :
1/ En
disant ceci il dit venir juste pour s’amuser car nous sommes
comiques, que nous sommes là que pour l’occuper. Comme s’il
ne voyait rien de thérapeutique dans ce que nous faisions.
Remettant ainsi en question le travail de l’équipe.
2/ Le
second sens possible n’est finalement pas très éloigné
du premier. Mais se rapproche plus d’une demande derrière
une critique : sa réponse est aussi une manière de
dire qu’il s’ennuie, qu’il n’est pas là pour
s’ennuyer, mais pour qu’on le « guérisse »
comme si dans un rôle inversé, il prenait la place du
meneur en rappelant le cadre à l’équipe.
Pour
notre part nous rejoignons sa critique, car il faut avouer que d’une
part l’équipe s’est empêchée de penser à
son endroit, et que d’autre part le meneur n’a pas su rappeler au
co-thérapeutes que nous n’étions pas là pour
se moquer de lui. Par exemple, se dire des phrases comme « c’est
normal il est psychotique » ou « il est trop
fou » ou bien encore « il est très
étrange » est une manière d’en rester là
et d’éviter la question de savoir pourquoi il sollicite une
telle angoisse. Cette étiquette « d’extraterrestre »
nous garde bien de penser autour de nos contre-transferts, et c’est
dans ce sens que sa critique implicite est plus que justifiée.
C’est
comme si par ce biais nous faisions l’économie de mettre du
sens dans le non-sens apparent de ce que produit Fabrice, ce qui pour
a conséquence de le solliciter d’autant plus. En effet ce
que dit Freud à propos du non-sens dans le mot d’esprit est
aussi valable dans ce cas : « souvent le non-sens
contenu dans le mot d’esprit se substitue à la moquerie et à
la critique contenues dans la pensée présente derrière
le mot d’esprit »14.
Se jouerait-il de notre propre bêtise ?
D’ailleurs,
à en croire Ferenczi cette dimension n’était pas
absente du plaisir qu’il prenait à être fustigé
dans ses premiers jeux : « La force brutale donne
toujours une impression d’absurdité, de folie, et donc
comique. »15.
Lui donnant dés lors le sentiment d’être sage et
supérieur face à un persécuteur inintelligent.
Dans ces moments il y a souvent un rire d’excitation qui signifie
aussi le coté « insensé de la lutte
soutenue »16.
Ceci
est une manière d’être dans la rivalité même
si s’en est une des formes les moins visibles.
2) La
rivalité avec Benoît
Par
contre là où il exprima plus clairement sa capacité
à être dans la rivalité fut lorsqu’il jouait
avec un autre garçon de son âge : Benoît.
Avec eux il y avait aussi une jeune patiente : Martine.
Nous
avions apparemment là une configuration idéale pour
instaurer une rivalité parfaite entre deux jeunes garçons.
Mais comme nous allons le voir c’est plus aux propres attaques de
Benoît que Fabrice allait répondre.
En
effet, Benoît contrairement aux autres ne riait pas face à
« l’étrangeté » de Fabrice,
mais le lui reprochait sous formes de moquerie avant les jeux, et
l’insultait pendant les jeux, dans tous les jeux leurs personnages
finissaient par se battre. Ou lorsqu’en apparence le jeu ne mettait
pas en scène de la rivalité, elle finissait par émerger
subitement. Et Fabrice n’avait aucun mal à répondre à
cette violence. Benoît, fut le premier à lui dire les
choses clairement, c’est à dire en exprimant directement
l’hostilité qui y était associée.
C’est
lors d’un jeu où Martine fut absente que Fabrice exprima
pour la première fois sa souffrance. Dans ce jeu qui se
déroulait dans la cours du collège, ils se battaient
tous les deux, chacun étayé par un co-thérapeute,
au bout d’un moment Madame L. (une co-thérapeute) rentre
dans le jeu en tant que surveillante du collège :
-
Madame
L : Qu’est-ce qui se passe ? Pourquoi vous battez-vous ? -
Fabrice
(d’un air très énervé) : Parce qu’il
m’encule !
Monsieur R. qui était meneur à ce moment là
arrête le jeu :
- Monsieur R. : qu’est-ce que voulez-vous dire par « il
m’encule » ?
-
Fabrice :
Ce sont des enculés. J’en ai marre que tout le monde me
prenne pour un gogol.
Pendant qu’il parlait, tout le monde était touché par
la grande souffrance qui se dégageait de sa voix. Visiblement
ce que les autres lui renvoyaient comme image était très
violente, une violence le pénétrant (d’où le
terme « il m’encule »). Le laissant choir à
une place le détruisant ?
Nous faisons l’hypothèse qu’ à la fois Benoît
représentait ces autres qui le méprisaient, mais aussi
du fait qu’il ne le voyait pas comme risible car son hostilité
ne s’exprimait pas dans le rire qui laisse une ambiguïté
quant à son emprunte hostile, il lui laissait une chance de se
rebeller contre de l’agressivité clairement exprimé.
En effet, comme nous l’explique Ferenczi le rire porte une
ambiguïté car il est la défense contre un plaisir,
dans le cas présent de type hostile, trop présent :
« la méchanceté fait le plaisir, la
conscience morale fait le rire. »17.
C’est comme si le fait de ne pas percevoir inconsciemment la
culpabilité chez l’autre, lui permettait d’exprimer enfin
sa propre souffrance. Saurait-il inconsciemment que sa souffrance
était capable de sollicitée tant d’angoisse chez
l’autre ?
Là où Martine, et d’autres patients plus tard,
disaient qu’il était bizarre avec un rire gêné,
Benoît, pour sa part, le disait très sérieusement
et sans gêne, il ne culpabilisait pas de dire ce qu’il
pensait. Ceci aurait donc offert la possibilité à
Fabrice d’exprimer à son tour toute la colère et la
souffrance liées à l’image que les autres lui
renvoyaient.
3)
L’humour dans la distanciation d’une image
Un
des moyens que Fabrice avait utilisé pour se protéger
de l’image hostile que les autres lui renvoyaient fut non pas d’en
renvoyer la violence mais de l’abraser en mettant une distance
entre lui et cette image par le recours à l’humour. Non
seulement, l’humour lui permettait de ne pas souffrir de l’affect
pénible qui est attaché à ce qu’il reçoit
du regard des autres, et ceci dans la perspective du texte de Freud
de 1905 (l’humour comme une économie d’affect)18,
mais aussi la mise à distance par l’humour va lui permettre
de se libérer d’une image aliénante. Ainsi,
l’hostilité n’est pas retournée dans le sens d’un
renvoie vers ses destinataires, mais dans celui du retour à sa
place véritable, celle de l’Imaginaire19.
Bien
qu’en terme de quantité, son utilisation de l’humour fut
peu présente, sur le plan qualitatif elle demeurait néanmoins
importante, car lourde de sens du point de vue de sa fonction
psychique. Prenons deux exemples :
1/
Lors d’un jeu où il devait incarner le substitut du meneur :
le but de ce jeu était de mettre en scène l’agressivité
des patients envers leur thérapeute (Monsieur R.) et
naturellement dés lors qu’il s’agissait d’incarner le
bouc émissaire, Fabrice était d’emblée désigné
à cette place :
-
Benoît :
Tu pue -
Martine :
Mais quand est-ce que tu te lave ? -
Fabrice
agacé : A la noël !
Les co-thérapeutes
se mettent alors à rire.
2/
Dans un jeu, où avec Clara (une patiente de son âge) il
était collé dans la salle de permanence du collège
pour avoir fait des bêtises :
-
Clara :
as-tu déjà utilisé du chewing gum pour bloquer
le trou de la serrure de la classe ? -
Fabrice
dans un ton enjoué : Oui mais je suis resté collé
à la porte !
Rire des co-
thérapeutes.
Ainsi,
non seulement par l’humour il mettait une distance par rapport à
une image, mais en plus il arrivait dans ces moments là à
se faire apprécier des autres20.
L’utilisation de l’humour par Fabrice montre que s’il était
dans la psychose, ce qui n’est pas si sûr, il y avait déjà
une part de lui qui la stabilisait. Appuyons-nous sur deux textes
parlant de l’utilisation de l’humour dans le traitement de
psychotiques. Il est important de souligner que dans ces deux textes
l’humour vient soit du thérapeute, soit des textes que le
thérapeute choisit de faire jouer par des psychotiques dans le
cadre d’un atelier théâtre. Commençons par un
texte où Patricia Attigui tire les conclusions théoriques
de sa pratique avec des patients psychotiques d’un atelier
théâtre21.
D’après
elle, l’humour des scènes jouées et le rire qu’elles
provoquent permettent « la remise en lien, distanciée
car dédramatisée, du sujet avec les ressorts tragiques
de sa destinée »22.
Ce « discours distancié »23
que le patient psychotique s’approprie alors, lui donne « une
place dans une réalité d’où précisément
il a été exclu. »24.
Comme l’humour crée une distance induisant une détente,
alors quelque chose d’inaccessible jusqu’à présent,
trouve « des voies de dégagements »25.
Mais qu’elle est ce quelque chose que l’ordre du Symbolique
(« discours distancié ») permet de
dégager ?
Ce
dont le sujet se libère en fait, c’est d’une captation
imaginaire trop forte à une identification aliénante.
Selon L. Casenave26
l’humour venant de l’analyste va faire office de sanction
symbolique venant de l’Autre vers le Sujet, créant ainsi une
« manière autre de demeurer sur l’axe a-a’. »27
(l’axe imaginaire du schéma L.). Ceci a permis à sa
patiente « d’entrevoir une image plus supportable, plus
aimable pour elle-même. »28.
En sommes, elle put plaisanter là où autrefois elle
avait peur.
Or
c’est ce que faisait Fabrice en utilisant l’autodérision
il transformait ce qui était source de souffrance en source de
plaisir, ce qui témoignait d’un masochisme secondarisé
sur lequel nous reviendrons plus tard. Si les patients des deux
textes que nous venons de voir étaient psychotiques, ce
n’était pas forcément le cas de Fabrice qui
contrairement à eux était celui qui faisait de
l’humour, ce qui n’a pas les mêmes implications. En effet
l’humour du patient « témoigne d’un mouvement
de latence trouvée ou retrouvée »29.
Pour François kamel la période de latence et la
capacité à faire de l’humours s’appuient tous deux
« sur un appareil psychique différentié en
plusieurs instances »30
où le Moi doit avoir une certaine capacité défensive
et représentative ce qui implique une prise en compte du
Surmoi permettant d’exprimer partiellement la pulsion car
« suffisamment secondarisée par le moi. »31.
Justement quelle est la relation entre humour et Surmoi ?
III. Désarmer l’adversaire
1) La
déconcertation
Avant
de voir comment le processus humoristique permet de se jouer du
Surmoi, arrêtons-nous quelques instants sur la manière
dont Fabrice déconcertait les co-thérapeutes.
Commentons un exemple : dans ce jeu, Fabrice se faisait
persécuter par un inspecteur académique. Il jouait le
rôle de Anian, dix ans. Un de ses camarades lui proposait alors
de « faire un coup monter » contre
l’inspecteur.
-
Le
camarade : Madame (la maîtresse d’école),
pourquoi le monsieur il a une bosse quand il vous regarde ?
Anian, il l’a vue aussi. -
L’inspecteur
à Anian : Et vous là jeune homme, c’est à
cause de vous ces histoires là ? C’est vous qui avez
donné ces idées à votre camarade ? -
Le
camarade : Anian tu vois bien qu’il a une bosse. -
Anian :
C’est quoi une bosse ? -
Le
camarade : Là au pantalon -
Anian :
Ah ! oui (il se met à rire) -
Le
camarade : Madame ! Pourquoi il fait ça ? J’ai
vu à la télé que les gens qui faisaient ça,
étaient des pervers. -
L’inspecteur
à Anian : Vous avez dit à votre ami de me traiter
de pervers ? -
Anian :
Non c’est lui qui dit ça -
L’inspecteur :
Vous savez au moins ce qu’est un pervers ? -
Anian :
oui -
L’inspecteur :
C’est quoi ? -
Anian :
un oiseau
Le co-thérapeute jouant l’inspecteur semble déconcerté,
il se met à rire un peu et ne sait plus quoi dire. Le jeu
s’arrête, Le meneur lui explique alors ce qu’est un
pervers.
Retour au jeu :
-
L’inspecteur :
Répondez à la question. C’est quoi un pervers
monsieur ? -
Anian :
Je vous l’ai dit ! C’est un oiseau ! -
L’inspecteur
(à voix basse « putain… » c’est
plus le personnage qui parle mais le co-thérapeute) :
Vous vous foutez de ma gueule ! -
L’inspecteur
s’adressant à la maîtresse : Votre enseignement
est lamentable. Si c’est pour qu’ils en sortent comme celui-là,
merci ! -
L’inspecteur
à Anian : Vraiment vous ne faites que vous enfoncer ! -
Anian :
Vous aussi ! -
L’inspecteur :
Pardon ? (se met à rire, il semble déconcerté)
Puis
un peu plus tard :
-
L’inspecteur :
Vous embêtez votre professeur, vous embêtez votre
camarade. -
Anian
avec un grand sourire : Oui ! -
L’inspecteur :
Vous êtes déconcertant monsieur.
En effet, c’est le cas de le dire, Fabrice était
déconcertant. Mais voyons de plus prés ce qui était
les signes de cette déconcertation. Le premier était
que le co-thérapeute se mît à rire et qu’il ne
pût plus savoir quoi dire, ça lui « clouait
le bec » Le deuxième signe se percevait dans la
confusion des espaces (celui du jeu et celui de la réalité)
engendrée par la déconcertation. A plusieurs reprises
ce n’était plus le personnage qui parlait mais le
co-thérapeute. Un troisième signe était l’arrêt
de jeu, bien que dans l’exemple de « c’est un oiseau »
le meneur avait arrêté le jeu pour demander ce que
voulait dire « pervers », cet arrêt était
intervenu juste après la déconcertation du
co-thérapeute. Le fait de s’adresser à un autre
personnage (lorsqu’il s’adressait à la maîtresse
tout d’un coup) était une manière de se détourner
de la confrontation, ce qui était aussi un signe de la
déconcertation.
En utilisant pour déconcerter des techniques proche du jeu de
mot (la ressemblance phonétique entre « pervers »
et l’oiseau « pivert »), Fabrice trouvait un
moyen de sortir victorieux d’un combat face à un autre plus
âgé et ayant une utilisation plus poussée du
langage, et ceci grâce à la déconcertation.
Cette composante hostile que nous retrouvons aussi dans l’humour :
« si l’humour évite l’expression de l’affect
d’amertume, il constitue cependant une vengeance obtenue sur
l’objet de façon acceptable vis à vis du Surmoi et
susceptible en même temps de prévenir une faillite
narcissique »32.
2) Se
jouer du Surmoi
Nous
pensons que cela va même encore plus loin : L’humour
bien plus que de réparer les failles narcissiques, satisfait
les exigences du narcissisme primaire triomphant du Surmoi. Le sujet,
dés lors, incarnant, pour un temps, un Moi Idéal.
Se
triomphe du narcissisme dans l’humour est repéré dés
1905 Par Freud lorsqu’il écrit : « Je suis
trop grand(iose) pour que cela me touche de façon pénible »33.
Nous
sommes en droit alors de se demander à qui s’adresse le
sujet à ce moment là. C’est dans son article de 1927
sur l’humour que l’auteur apporte un début de réponse
dans la formule suivante : « l’humour serait
la contribution au comique par la médiation du Surmoi. »34.
Comment comprendre cette médiation ? Premièrement par
identification. L’humoriste se mettrait à la place de
l’adulte « dans une sorte d’identification au père »35
ravalant « les autres au rang d’enfants »36.
La deuxième manière d’entendre cette médiation
par le Surmoi, et qui est selon nous la plus juste, est le triomphe
sur celui-ci. En effet, dans son attitude face à l’humour,
le Surmoi « écarte à proprement parler la
réalité et se met au service d’une illusion. »37.
Cette illusion est celle de la toute-puissance du triomphe
narcissique. C’est le triomphe du principe de plaisir38.
Car dans l’humour souligne Freud, en plus du côté
libérateur, nous assistons à quelque chose de
« grandiose et d’exaltant »39.
C’est cette victoire narcissique qui est grandiose.
Et Freud d’ajouter : « L’humour se rapproche des
processus régressifs ou réactionnels »40.
Comme si dans l’humour, le Moi réagissait en régressant
au narcissisme primaire pour se prémunir d’un danger, ce qui
souligne bien l’aspect défensif de l’humour.
Mais ce qui caractérise encore plus l’humour, c’est que
c’est le sujet lui-même qui d’une certaine manière
se met en dangers, de sorte à ce que le triomphe engendré
soit encore plus grand. En effet, selon Racamier, dans l’humour
« le moi se reprend et reconquiert une vigueur qui,
d’avoir paru compromise, en sort grandie. »41.
Ainsi, « Dans l’humour – l’humour de l’absurde en
particulier -, le moi joue à se perdre pour mieux se
retrouver. »42.
Or l’utilisation du Moi Idéal pour réparer une faille
narcissique semble être au centre des processus humoristiques.
Si nous prenons la définition qu’en donne Didier Anzieu, à
savoir qu’il est peu différencié du Ça43
et qu’il « est l’image exaltante de la toute-puissance
narcissique, image archaïque avec laquelle le sujet cherche à
entretenir une relation sur le mode fusionnel de l’identification
primaire »44,
ce qui apparaît c’est une dimension archaïque du
processus humoristique.
En fait c’est comme si le sujet en régressant au Moi Idéal
se jouer du Surmoi, et pouvais enfin triompher de lui : « En
ce qui concerne l’humour, on peut dire que l’expérience
débute par un sentiment d’échec, mais est surmontée
par la partie du moi qui se détache de lui-même, s’élève
à la hauteur du surmoi et annule l’échec en tournant
sa force contre lui, comme s’il disait : le cœur de moi-même
est invulnérable, quoi qu’il arrive. »45.
Mais le triomphe narcissique est-il le seul but recherché par
l’humoriste ?
Est-ce
uniquement pour amplifier le triomphe du Moi Idéal que le Moi
se met en danger ? Ne devrait-on plutôt pas considérer
que le triomphe narcissique sert un autre dessein dans la mise en
danger du Moi ? En somme, si nous considérons la fonction
réactionnelle du Moi Idéal, c’est qu’il sert à
se défendre d’une tendance qui pousse le Moi à se
mettre en danger. Pourquoi se mettrait-il en danger ? Est-ce par
culpabilité inconscience ?
Si la
culpabilité inconsciente pousse le sujet à se mettre en
danger, alors on est en droit de se poser la question du masochisme
moral dans le processus humoristique.
________________________________________________
1
S. Freud, Le mot d’esprit et sa relation à
l’inconscient, p. 335
2
ibid., p. 369
3
ibid., p. 393
4
ibid., p. 395
5
A. Nysenholc, « le héros comique et l’enfance »
in Freud et le rire, pp.224-246
6
ibid., p. 242
7
ibid., p. 244
8
ibid., p. 245
9
H. Bergson, Le rire, essai sur la signification du comique,
(1900), PUF, coll. Quadrige, Paris, 1981, p. 13
10
A. Sybony, art. cit., pp. 75-76
11
Premier chapitre : I, 2
12
A. Nysenholc, A. W. Szafran, « L’originalité de
Freud » in Freud et le rire, p. 18
13
P-L. Assoun, « Freud et le rire » in op.
cit., p.33
14
S. Freud, Le mot d’esprit et sa relation à
l’inconscient, p. 205
15
S. Ferenczi, « Réflexions sur le « plaisir
de passivié » », Notes et Fragments,
24/08/1930, in Psychanalyse IV. Oeuvres complètes.
1927-1933, trad. par l’équipe du Coq Héron,
Payot, Paris, 1982, p. 275
16
Idem
17
S. Ferenczi, « Rire » in op.
cit., p. 205
18
S. Freud, Le mot d’esprit et sa relation à
l’inconscient, p. 400
19
Dans l’acception Lacanienne du terme
20
Nous y reviendrons plus tard
21
P. Attigui, « De l’acte théâtral au
transfert : une interprétation passionnée »,
Cliniques méditerranéennes, n°69, Passion,
amour, transfert, 2004, Érès, Paris, pp.
139-157.
22
ibid., p. 147
23
ibid., P. 148
24
idem
25
ibid., p. 150
26
L. Casenave, « L’humour comme stratégie dans la
stabilisation d’une psychose » in Les
stratégies
du
transfert
en psychanalyse. VIIème Rencontre internationale du
Champ freudien, Caracas, juillet 1992, Navarin, Paris, pp.
175-1800
27
ibid., p. 78
28
idem
29
F. Kamel, « Humour et quotidien d’un psychanalyste »
Humoresques, n°16, juin 2002, p. 85
30
idem
31
idem
32
J. Bergeret, art.cit., p. 546
33
S. Freud, Le mot d’esprit et sa relation à
l’inconscient, P. 408
34
S. Freud, « L’humour (Der Humor) », (1927),
G.W, XIV, 383-389, in L’inquiétante étrangeté
et autres essais, trad. Bertrand Féron,
Gallimard, coll. Folio/essais, Paris, 1985, p. 328
35
ibid., p. 325
36
idem
37
ibid., p. 328
38
ibid., p. 324
39
ibid., p. 323
40
ibid., p. 324
41
P.C. Racamier, « entre humour et folie »,
Revue Française de Psychanalyse, XXXVII, 4, L’humour,
p. 666
42
idem
43
D. Anzieu, « L’illusion groupale : Un Moi idéal
commun », in Le groupe et l’inconscient :
l’imaginaire groupal, Dunod, coll. Psychismes, Paris, 1993, p.
68
44
ibid., p. 84
45
J. Cosnier, « humour et narcissisme » Revue
Française de Psychanalyse, XXXVII, 4, L’humour,
p. 572
___________________________________________________________
Troisième
chapitre
L’Humour comme
processus de secondarisation
Dans
le chapitre précédent nous avons débouché
sur les racines archaïques de l’humour. Mais le processus
humoristique, si nous le considérons dans son entier, est
d’abord un processus de secondarisation et un puissant défenseur
du moi. La richesse du processus humoristique est très bien
résumée dans cette phrase de Jean-Luc Donnet :
« Le « chemin » du processus
humoristique parcourt, on le verra, l’espace qui va de l’assise
narcissique primaire à une objectalité maintenue, à
une butée d’altérité. »1.
Afin de comprendre d’avantage ce que l’humour
apporte à Fabrice, nous étudierons la fonction de son
masochisme dans les jeux et comment il a réussit à
l’atténuer grâce à la part d’autodérision
dans l’humour. Ensuite nous verrons en quoi l’humour met en jeu
l’amour. Nous démontrerons pour finir que même s’il
y a des liens entre psychoses et humour, le processus humoristique
fait déjà sortir le sujet de la psychose.
I.La fonction du
masochisme
1) Les trois sortes de
masochismes
Nous tenons à rappeler que nous avons commencé à
aborder la question du masochisme dans le premier chapitre à
travers les fantasmes de fustigations de Fabrice. Il est temps
maintenant de réfléchir au rôle joué par
le masochisme secondaire puis le masochisme moral dans l’économie
psychique de ce jeune patient.
Nous devons avouer qu’ici
ce que nous développerons sera assez spéculatif car
cliniquement nous partons que de ces trois éléments :
1/ L’attaque du corps
quand il semble excité : apparaît la dimension
sexuelle dans le jeu. Cette dimension est apportée par
Monsieur R. qui est quelqu’un qui naturellement est dans la
séduction.
2/ Les fantasmes de
fustigations mettent en scène les sévices de Monsieur R
sur Fabrice. Ce dernier déchargeant l’excitation par le
rire. C’est à cette période que ses stéréotypies
diminuent et que son corps semble être moins attaqué par
la désunion pulsionnelle. Ainsi, l’aspect très
fortement libidinalisé du rire lui donne la signification d’un
rire comme plaisir sexuel grâce à l’intervention du
masochisme secondaire (ou féminin). Le rire n’étant
plus celui des autres signifiant leur hostilité face à
l’étrangeté qu’ils ressentent.
3/ Les premières
utilisations qu’il va faire de l’humour apparaissent au moment où
les fantasmes de fustigations disparaissent. Il y a donc un lien
entre la disparition (du moins sur le plan manifeste) du masochisme
et l’utilisation de l’humour. Nous verrons plus bas comment nous
penserons ce lien.
Pour rendre compte de
cette évolution, nous nous baserons sur la seconde
théorisation du masochisme de Freud, c’est à dire
après l’introduction de la notion de pulsion de mort.
C’est en 1924, dans
« Le problème économique du masochisme »2
que Freud revient sur la théorie du masochisme, à la
lumière de la seconde topique développée dans
« le moi et le ça »3
et de l’introduction d’une nouvelle dualité pulsionnelle
dans « Au-delà du principe de plaisir »4,
à savoir la pulsion de vie et la pulsion de mort.
Dans ce texte sur le
masochisme, l’auteur nous explique que la pulsion de mort est
dérivée vers l’extérieur grâce à
la musculature devenant ainsi pulsion de destruction5.
Donc, une partie de la pulsion de mort « est placée
directement au service de la fonction sexuelle […]. C’est là
le sadisme proprement dit. »6.
Toutefois,
« Une autre partie ne participe pas à ce
déplacement vers l’extérieur, elle demeure dans
l’organisme et là elle se trouve liée libidinalement
à l’aide de la coexcitation sexuelle […] ; c’est en
elle que nous devons reconnaître le masochisme originaire,
érogène. »7.
Donc, le masochisme originaire permet à la pulsion de vie de
se lier à la pulsion de mort pour que le Moi ne soit pas
débordé par la pulsion de mort. De ce fait, « c’est
par le masochisme primaire que le sujet naît à
lui-même »8.
Mais
si par exemple le sujet se trouve face à une situation qui
augmentent trop l’excitation et que son Moi n’est pas encore
capable d’instaurer une pare-excitation suffisamment forte, alors
il prend le risque d’être en proie à la désunion
pulsionnelle ce qui a pour conséquence « la
dissolution du noyau masochique, et l’appel au sadisme et à
son introjection (masochisme secondaire) »9.
En
même temps le fantasme de fustigation en tant qu’expression
du masochisme secondaire, viendrait en renforcement du masochisme
primaire. Afin de maîtriser la pulsion : « Ce
moment s’accompagne de persécution externe et de phénomène
de clivage. Chez l’adolescent ces mécanismes s’expriment
sous une forme sado-masochiste comme ultime tentative de maîtriser
la pulsion. »10.
De ce fait, nous émettrons l’hypothèse que la
séduction de Monsieur R. a sollicité les fantasmes de
fustigations chez Fabrice et non l’inverse comme nous l’avions
pensé au début. Ce dernier cherchant de cette manière
à se protéger d’un débordement pulsionnel.
Dans l’activation des fantasmes de fustigations « l’objet
sadique est le père oedipien »11.
Nous assistons alors à une « re-sexualisation du
surmoi » comme dans le masochisme moral 12.
Bien
qu’il soit un peu rapide de parler de masochisme moral pour
Fabrice, les fantasmes de fustigations ont déjà quelque
chose à avoir avec le père oedipien et à la
re-sexualisation du Surmoi. Si le masochisme vient ici protéger
le sujet, ne prend t’il pas le risque que son masochisme aille trop
loin ?
Maintenant
nous allons voir en quoi l’humour peut servir à se prémunir
de ce danger.
2) L’humour comme
élaboration du masochisme
Le rapport entre
masochisme et humour est souligné par plusieurs auteurs de la
littérature psychanalytique. Mais de quel masochisme
s’agit-il ? Est-ce le masochisme érogène,
féminin (secondaire) ou moral ?
Pour notre part, nous
pensons que le processus humoristique vient atténuer le
masochisme secondaire ou le masochisme moral. Et dans le cas de
Fabrice même si nous ne pouvons pas parler de masochisme moral,
le fantasme de fustigation expression du masochisme féminin
met en scène déjà le père oedipien et
donc quelque chose qui est déjà de l’ordre du Surmoi
du moins dans ses prémices.
Toutefois, comme nous le
fait si judicieusement remarquer Jean-Luc Donnet : « A
la limite, la réussite du processus humoristique, quant au
principe de plaisir, suppose l’organisation valable du « masochisme
primaire », gardien de la vie psychique (B. Rosenberg) »13.
Mais que se passe t-il au
niveau pulsionnel et libidinal ? A propos du masochisme moral
Alexandre Garabedian nous explique qu’il ne peut être élaboré
que « si les quantités d’énergie mises en
jeu sont modérées. »14.
L’auteur limite trop ceci au masochisme moral, alors que nous
pensons qu’il serait plus judicieux de l’étendre au
masochisme secondaire. Toujours selon lui le processus pulsionnel de
l’humour se déroule de la manière suivante :
1/ L’affect est détaché
de la pulsion
2/ Il est déplacé
et le but pulsionnel est atténué
3/ L’énergie est
retirée dans le Moi
4/ Nous assistons à
une « régression modérée sans risque
d’affaiblissement défensif »15
5/ L’énergie
pulsionnelle va pouvoir se décharger partiellement et
directement.
6/ En même temps
ceci pourra être « utilisée dans une
élaboration »16.
L’avantage
de ce schéma est selon nous de montrer comment dans l’humour
une régression narcissique ( au Moi Idéal) et une
satisfaction pulsionnelle (hostile), se trouvent élaborées.
Plus
haut nous avons émis l’idée qu’il fallait étendre
le processus humoristique au masochisme secondaire mais dans une
version plus proche du masochisme moral. Il est temps maintenant de
préciser comment ceci est possible, c’est à dire
comment ses deux masochismes peuvent être présent
simultanément dans le processus humoristique : selon Jean
Bergeret l’humour met en exergue « une partie gênante
contre laquelle la partie gênée du sujet réagit
par un aménagement des affects réussissant à
éviter tout autant le masochisme (primaire ou non) que
l’autopunition […]. Tel que le définit Freud, l’humour
peut s’exercer tout autant aux dépens de soi-même que
d’autrui ; l’humour ramène le monde aux dimensions
d’un jeu d’enfants qu’il n’y a plus lieu de prendre « au
sérieux »… le mieux devient alors d’en
plaisanter. »17.
Si la partie gênée tente d’éviter le masochisme
moral qui est l’expression de la culpabilité inconsciente,
alors que la culpabilité à d’autres armes pour
oppresser le Moi, c’est bien parce que chez l’humoriste il y a
une prédisposition à ce que ce soit le masochisme moral
qui est utiliser pour punir le sujet. Or cette prédisposition
c’est justement le masochisme secondaire. En effet, le masochisme
morale reste le masochisme et garde le caractère d’une
tendance précédente. Après tout « le
masochisme moral transgresse l’interdit surmoïque pour
susciter sa propre culpabilité, l’érotiser et en
jouir masochiquement (le sujet jouit de sa culpabilité, c’est
à dire de lui-même) ; le masochisme renforce le
narcissisme (défaillant) »18.
En ce sens, le masochisme moral est fidèle au caractère
protecteur (pour l’unité du moi) du masochisme originaire.
Ainsi,
si avec le masochisme moral « la morale est resexualisée,
le complexe d’œdipe ressuscité »19,
l’humour quant à lui, en désexualisant (car le but
est atténué) en récupérant une partie de
l’affect pénible pour le moi et en déchargeant
partiellement les pulsions agressives, empêche du même
coup que la resexualisation de la culpabilité, n’aille trop
loin (modération)20.
Si
l’humour est une défense, il est aussi un compromis, un
symptôme. En se défendant par l’humour de la
resexualisation du rapport au Surmoi qui a hérité du
caractère sadique du père oedipien du fantasme de
fustigation, le sujet en souligne du coup son attrait sexuel pour
lui : comme le précise Freud, « le désir,[…]
d’être battu par le père est très proche de cet
autre désir, avoir des rapports sexuels passifs (féminin)
avec lui. »21.
De ce fait, l’humour héritera de cette tendance à
chercher l’amour de ce père surmoïque.
II. Humour et Amour
1) Se faire aimer de
l’Idéal du Moi
Ce père surmoïque
dont l’enfant va chercher l’amour dans le masochisme, pourquoi
est-il aimé ? Pourquoi cherche t-il à se faire
aimer de lui ? En fait, si nous considérons le Surmoi
dans son aspect complet, c’est à dire dans le sens où
Freud lui a attribué « l’auto-observation, la
conscience22
et la fonction d’idéal. »23,
nous pouvons émettre l’hypothèse que le sujet cherche
à se faire aimer d’un objet idéal. Dans son texte de
1927, Freud nous explique qu si le Surmoi console le Moi et le garde
des souffrances, « il n’a pas contredit par là sa
descendance de l’instance parentale »24.
Dans ce texte Freud requestionne la définition du Surmoi :
« Si c’est réellement le surmoi qui, dans
l’humour tient au moi effarouché un discours si plein de
sollicitude consolatrice, nous ne voulons pas oublier que nous avons
encore toutes sortes de choses à apprendre sur l’essence du
surmoi. »25.
En fait, à cette
époque, Freud ne distinguait pas encore le Surmoi de l’Idéal
du Moi. Jean Bergeret nous rappelle qu’en « 193226,
Freud définit le Surmoi comme introjection des images du
personnage redouté, principalement le père, interdisant
de le remplacer sexuellement, alors que l’Idéal du Moi est
formé à partir des images des deux parents consolateurs
dans la mesure où l’on cherche à « bien
faire » en leur nom. »27.
Pour
cet auteur, l’humour « épargne en fait la honte,
le mécontentement, le désespoir, le dégoût,
toutes positions affectives dépendant de la lignée
narcissique à laquelle se réfère spécifiquement
l’Idéal du Moi et non pas le Surmoi. »28.
Donc, le sujet chercherait par l’humour à se faire aimer de
l’Idéal du Moi mais pour en tirer un privilège
narcissique, celui de pouvoir s’aimer soi-même à
travers le regard aimant de l’Idéal du Moi.
Résumons
donc : par l’humour, le Moi Idéal du sujet triomphe de
l’emprise du Surmoi ; d’un autre coté il obtient
l’amour de l’Idéal du Moi qui par ce biais arrive à
se faire aimer lui-même ; enfin, en ce mettant au niveau
de l’Autre (l’humour, notamment l’autodérision, place le
sujet entre la 1ère et la 3ème personne), il connaît
la joie de le retrouver.
2) Se faire aimer de
Monsieur R.
Ce dont nous parlerons
ici part d’une réaction fort étonnante de Fabrice en
réponse à une intervention de monsieur R. qui ne
l’était pas moins d’ailleurs, après la fin d’un
jeu :
-
Monsieur R.
(s’adressant à Fabrice et Martine) : Si j’essaye de
vous aider à aller mieux c’est parce que je vous aime -
Fabrice, levant la
tête, le visage s’illuminant, tout en regardant Monsieur
R. : Ah bon ! Vous m’aimez ?
Fabrice donne l’impression d’être à la fois
étonné et touché. De plus il regarde Monsieur R.
dans les yeux. Or il le fait rarement.
-
Monsieur R. ayant
remarqué l’étonnement de Fabrice : Pourquoi
vous l’aviez compris comment ? -
Martine répondant
à la place de Fabrice : Mais pas dans ce sens là !
Dans le sens de l’amitié ou comme un parent aime ses
enfants. -
Monsieur R. :
C’est bien Martine vous avez compris.
Compte
tenu du transfert très sexualisé entre lui et Fabrice,
nous devons avouer que Monsieur R. est un peu hypocrite ou bien il a
laisser délibérément l’ambiguïté
du terme « aimer ». Mais est-ce pour respecter
les défenses de Fabrice ou ses propres résistances à
lui ? De plus, l’amour d’un parent pour ses enfants comporte
une composante incestueuse même si ça demeure sur le
plan inconscient. En effet, il ne faut pas oublier que pendant
longtemps les jeux entre Fabrice et Monsieur R. qui était
alors simple co-thérapeute, étaient des fantasmes de
fustigations puis devinrent fusionnelles « nous sommes
pareils », on ne savait plus qui était qui.
Nous
devons signaler, que monsieur R. utilise beaucoup l’humour, et
Fabrice a commencé à en faire à partir du moment
où monsieur R. dut diriger son psychodrame suite au départ
de madame M. Ainsi, en s’identifiant à monsieur R. par
l’utilisation de l’humour, Fabrice cherchait d’une certaine
manière à se faire aimer de lui. N’oublions pas que
Freud ouvre le chapitre sept sur l’identification dans
« Psychologie des foules et analyse du moi »,
de la manière suivante : « L’identification
est connue de la psychanalyse comme expression première d’un
lien affectif à une autre personne. »29.
En
outre, cet effet était redoublé par l’aspect
séducteur de l’humour expliquant en partie son succès :
« L’allure « allumeur » de
l’humour se retrouve caractérisée par sa successive
communicabilité. »30.
En
fait, l’utilisation de l’humour par monsieur R. prenait ici la
valeur d’une séduction à laquelle Fabrice répondait.
Si l’interprétation par l’humour en « renforçant
le narcissisme des patients, […] autorise la parole, diminuant la
honte et la culpabilité »31
et permettrait « ainsi d’aborder leur origine. »32,
le thérapeute se doit de la considérer comme un moyen
et non pas comme une fin33.
En oubliant que l’utilisation de l’humour en thérapie doit
« conduire ses patients vers une prise de conscience. »34,
nous prenons le risque que par imitation le patient l’utilise « à
tort et à travers »35,
allant dans ce cas dans le sens de la défense. Sans oublier
qu’en « plus des pièges inhérents aux
psychothérapies d’adolescents(es), l’humour offrira au(à
la) thérapeute des tentations narcissiques flatteuses… »36.
En
même temps, si par séduction Fabrice tentait, à
son tour de séduire, Monsieur R. en s’identifiant au fait
qu’il fasse de l’humour, ceci lui donna un moyen efficace de se
faire aimer des autres. Or une des raisons pour laquelle Fabrice
était venu consulter, venait justement du fait qu’il était
rejeté par les autres et qu’il n’avait pas d’amis (selon
sa mère).
3) Se faire aimer des
autres
Nous allons revenir sur
un extrait d’un jeu que nous avions déjà cité.
Nous n’avions pas mis une partie qui n’avait pas de rapport
direct avec ce dont nous traitions à ce moment là. Ce
jeu, c’est celui où Fabrice jouait un élève
qui était collé pour écart de conduite, dans
cette salle il rencontrait une élève de son âge
(incarnée par Clara) :
-
Clara : as-tu
déjà utilisé du chewing gum pour bloquer le
trou de la serrure de la classe ? -
Fabrice dans un ton
enjoué : Oui mais je suis resté collé à
la porte !
Rire des thérapeutes.
A l’arrêt de jeu
dû au fou rire de Fabrice, suite à l’intrusion du
sexuel dans le jeu (: « je pourrais t’embrasser ! »),
monsieur R. l’interrogea sur sa gêne :
-
Le meneur ( parlant
du personnage joué par Fabrice) : Dés qu’il
voit une meuf, il flippe.
Fabrice rigole
-
Clara : C’était
marrant l’histoire de la serrure où il est resté
collé !
Ainsi
sa blague a eu du succès auprès de sa partenaire de jeu
qui lui signifiait qu’elle avait apprécié. D’ailleurs
elle avait rie dans le jeu. Sans oublier les éclats de rire et
les sourires des co-thérapeutes. De plus, elle fit cette
remarque au moment même où le thérapeute le
questionnait sur un sujet le gênant, comme pour voler au
secours de Fabrice.
C’est
comme si la phrase : « il est drôle »
changeait de sens, c’est à dire de « drôle »
comme synonyme de bizarre, étrange et risible à son
insu, on passait de « drôle » comme
signifiant sa capacité à faire rire les autres par de
l’humour et de l’esprit. Non seulement il arrivait par ce biais
à passer de la passivité à l’activité
(on ne rie plus à son insu, c’est à dire uniquement
de lui mais aussi avec lui et parce qu’il le décide), mais
en plus, à se faire aimer des autres, ces mêmes autres
qui se moquaient de lui, ce qui était encore plus vrai pour
les co-thérapeutes, puisqu’il s’agissait réellement
des mêmes personnes qui autrefois se moquaient de lui, se
mettaient maintenant à rire de ces blagues.
L’humour
permettant de mettre une distance par rapport à une image le
faisant souffrir, avait permis aussi de solliciter la sympathie chez
les autres. Ceci montre à quel point le processus humoristique
est riche comme le suggère si justement Jean-Luc Donnet :
« Le « chemin » du processus
humoristique parcourt, on le verra, l’espace qui va de l’assise
narcissique primaire à une objectalité maintenue, à
une butée d’altérité. »37.
De plus en récupérant à son compte. l’amour
que lui portait les autres, afin de s’aimer lui-même par
identification à eux, l’humoriste ouvre la voie du
narcissisme secondaire, ce qui souligne les capacités de
secondarisation du processus humoristique.
III.
Humour et psychose
1) Le rapprochement
entre humour et psychose
Quelle place peut-on
donner à l’humour dans la psychose ? En effet, d’une
certaine manière le processus humoristique peut faire penser à
ceux qu’on peut trouver dans la psychose. A partir du mot
d’esprit et sa relation à l’inconscient, voici ce que
fait remarquer Pierre Dubor : « Il est curieux de
constater combien la discordance affective décrite chez le
psychotique, l’apparent détachement de sa douleur, sa
« négation du réel, son triomphe
narcissique, et l’invulnérabilité de son Moi »
qui paraît en découler, sont à rapprocher de ce
que Freud décrit comme « triomphe du Moi et du
principe de plaisir qui trouve le moyen de s’affirmer en dépit
des réalités extérieures défavorables
dans l’humour… » et, ajouterait-il… « le
démenti à la réalité, et l’affirmation
du principe de plaisir, rapprochent l’humour des processus
régressifs ou réactionnaires si marqués en
psychopathologie… » »38.
La présence des
processus primaires dans le noyau du processus humoristique est une
idée tout à fait juste et nous l’avons déjà
souligné. Notamment en terme de triomphe du Moi Idéal.
Et Pierre Dubor n’a pas tort lorsqu’il écrit « Ainsi
défini comme une nouvelle « valeur » de
la « négativité », l’humour
présente également de manière frappante un
dénominateur commun avec la psychose dans son « indifférence
apparente à la réalité frustrante ou pénible…
et son affirmation déréelle du principe de
plaisir… » »39.
Cependant ce à
quoi nous assistons dans l’humour n’est pas de l’ordre du
clivage mais du jeu entre le principe de plaisir et celui de réalité.
C’est dans ce sens, que nous rejoignons Jean-Luc Donnet :
« chez l’humoriste, les deux positions à l’égard
de la réalité ne sont pas clivées, ne s’ignorent
pas l’une l’autre, puisque c’est de leur jeu que naît la
jouissance spécifique de la transformation de l’affect. »40.
Pour
être plus précis nous entendrons, pour notre part, le
terme de « jeu » dans le sens que Winnicott
(playing) lui a attribué. Si nous considérons le
jeu comme faisant partie de l’aire transitionnelle nous comprenons
plus aisément en quoi l’humour pris comme un subtil jeu
entre processus primaire et processus secondaire, se distingue du
clivage. En effet, la première définition que donne
Winnicott de l’aire transitionnelle est celle-ci : « Je
voudrais introduire ici la notion d’un état intermédiaire
entre l’incapacité du petit enfant à reconnaître
et à accepter la réalité et la capacité
qu’il acquerra progressivement de le faire. »41.
Ainsi, omettre l’aspect ludique de l’humour nous aurait fait
rater une dimension essentielle du processus humoristique.
De ce
fait, l’apparition de l’humour chez un psychotique ou plutôt
chez un patient trop rapidement étiqueté psychotique,
doit nous faire réfléchir sur l’intelligibilité
d’un tel diagnostique. Ou pour être plus prudent, l’humour
ne serait-il pas le signe d’un progrès dans le traitement
des psychoses : « Il faut considérer que grâce
à la réussite de l’humour, cette régression
s’arrête au niveau de la restauration narcissique
satisfaisante et ne remonte nullement jusqu’à une mise en
question de l’intégrité, de la solidité, de
l’unité narcissique ; aucune menace d’éclatement
ou de fragmentation du Moi n’est à craindre. Si
l’organisation psychotique se montre, parfois, capable d’humour,
ce n’est peut être que dans la mesure où une
récupération narcissique s’avère suffisante,
même transitoirement, pour permettre au sujet d’assurer un
arrangement satisfaisant des affects ne nécessitant le support
ni de représentations persécutoires ni de
représentations délirantes. L’apparition d’une
forme d’humour chez le psychotique en traitement s’avère
le plus souvent comme d’un excellent pronostic. »42.
Autant
dire dans ce cas là que le patient est déjà
sortie de la psychose (même transitoirement). C’est
d’ailleurs ce que nous allons voir.
2) La folie de l’humour
Pour cerner de plus prés
ce qui à la fois rapproche l’humour et la psychose, et les
différencient, nous nous appuierons sur la distinction
instaurée par P. C. Racamier entre folie et psychose, avec
l’idée principale que ce qui est apparenté à
des processus psychotiques dans l’humour est en fait de l’ordre
de la folie.
Selon l’auteur, le
terme de folie ne peut être réduit à la psychose,
ce terme à même des sens opposées : « Car
à coté de la folie qui aveugle et qui nullifie, on
connaît, d’ancienne tradition, celle au contraire qui
dévoile, celle des fous de rois et de princes, qui leur
permettait de dévoiler des vérités qu’il n’eût
point fallu dire ; car seuls les fous, sous le couvert de leur
prétendue folie, osaient dire au prince les vérités… »43.
Ainsi la première
différence entre ces deux formes de la folie tient en ce que
« la première se dissimule en tant que telle tandis
que la seconde au contraire s’exhibe ouvertement. »44.
Nous avons donc une folie psychotique à différenciée
d’un autre type de folie.
De plus, la dénégation
que nous trouvons dans cette folie reconnaît l’Affirmation
par le fait même de lui attribuer un signe négatif,
alors que le mécanisme de l’abolition dans la folie
psychotique « est autrement plus radical »45.
Ce type de folie sera le prototype de la psychose, alors que l’autre
forme sera celui de l’humour46.
Pour la suite du texte l’auteur va appeler « folie »
la forme que nous retrouvons dans la l’humour, et gardera le terme
de psychose pour la forme de la folie prototype de la psychose.
Ainsi, dans la psychose l’autre est exclu alors que ce n’est pas
le cas de la folie qui intègre dans ce processus plusieurs
personnes et utilise les processus secondaires47.
En fait la folie est un subtil jeu entre processus primaire et
secondaire, ce que nous avons déjà dit à propos
de l’humour, et qui est déjà présent dans la
folie : « Ni la contradiction ni le déroulement
temporel n’existent – on le sait – dans le processus primaire ;
or, ces propriétés fondamentales, nous le voyons
appliquées à une pensée paraissant participer du
processus secondaire »48.Mais
cette subversion du processus secondaire par le processus primaire,
nous la retrouvons aussi dans la psychose49.
En quoi consiste alors la différence ?
Les demandes paradoxales
du psychotique consistent à confondre leur destinataire afin
de denier narcissiquement l’objet. Mais en s’identifiant à
l’agresseur (maternel) intériorisé, le moi se trouve
alors sidéré. Ainsi, dans la psychose, la préservation
narcissique échoue, alors que l’humour réunit le roi
et le fou, car dans la psychose l’intermédiaire n’existe
pas50.
Donc ce qui marque la différence dans la réussite de la
préservation narcissique, c’est la présence du tiers.
Rôle que monsieur R. avait incarné pour Fabrice. Bien
qu’au début, le rapport entre eux deux fût assez
fusionnel, cette position fut peu à peu abandonnée pour
aboutir à un rôle de tiers51.
Donc, le psychotique
sidère le moi de l’autre au prix de sidérer le sien.
Dans l’humour aussi le Moi se met en déroute mais il
survie : « le moi se reprend et reconquiert une
vigueur qui, d’avoir paru compromise, en sort grandie »52.
Autrement dit, « Dans l’humour l’humour de
l’absurde en particulier , le moi joue à se perdre pour
mieux se retrouver. »53.
L’auteur en tire la conclusion que le dénominateur commun
« des affects pénibles que l’humour se charge de
supplanter : ils ont tous affaire avec une blessure
narcissique »54.
Lorsque le sujet dit
« regarde comment je suis fort, j’arrive à jouer
de ce qui peut m’affecter péniblement et me détruire
tout en survivant », il s’adresse à un tiers.
Mais c’est parce qu’il y a un tiers intériorisé qui
peut authentifier de la réussite dans l’humour du processus
de préservation narcissique, que ce dernier n’échoue
pas.
__________________________________________________
1
J-L. Donnet, art. cit., p. 898
2
S. Freud, « le problème économique du
masochisme (Das ökonomische Problem des Masochismus) »,
(1924), G.W, XIII, 371-383, in Névrose, psychose et
perversion, trad. sous la direction de Jean Laplanche, PUF,
Paris, 1973, 11e éd. 19, pp.287-297
3
S. Freud, « Le moi et le ça (Das Ich und das
Es) », (1923), G.W, XIII, 235-289, in Essais de
psychanalyse, trad. sous la direction de André
Bourguignon, Payot, Paris, 1981, pp. 219-275, pp.221-274
4
S. Freud, « Au-delà du principe de plaisir »
in Essais de psychanalyse, pp. 43-115
5
S. Freud, « Le problème économique du
masochisme » in op. cit., p.291
6
idem
7
idem
8
J-B Chapelier, C. Matha« Les fantasmes sado-masochistes à
l’adolescence : étudiés au sein des groupes
thérapeutiques psychanalytiques » in: MARTY
F.(dir.), Transactions narcissiques à l’adolescence,
Dunod, Paris, 2002, p. 80
9
ibid., p. 81
10
ibid., p. 82
11
ibid., p. 81
12
idem
13
J-L. Donnet, art. cit., p. 908
14
A. Garabedian, « Humour-masochisme : quelques
considérations en pensant à la cure » in S.
A.Shentoub. (Dir.). L’humour dans l’œuvre de Freud, Two
Cities, Paris, 1989, p. 87
15
ibid., p. 88
16
idem
17
J. Bergeret, art. cit., p. 545
18
J-B Chapelier, C. Matha, art. cit., p. 80
19
S. Freud, « le problème économique du
masochisme » in op. cit., P. 296
20
A. Garabedian, art. cit., p. 91
21
S. Freud, « Le problème économique du
masochisme » in op. cit., p. 296
22
dans le sens de la conscience morale
23
S. Freud, Nouvelles conférences d’introduction à
la psychanalyse (Neue Folge der Vorlesungen zur Einführung in
die Psycho-analyse), (1933), G.W, XV, 207 p., trad.
Rose-Marie Zeitlin, Gallimard, coll. Folio
essais, Paris, 1984, p. 93
24
S. Freud, « L’humour » in op.
cit., p328
25
idem
26
L’auteur fait référence ici aux Nouvelles
conférences d’introduction à la psychanalyse.
27
J. Bergeret, art. cit., p. 550
28
idem
29
S. Freud, « Psychologie des foules et analyse du moi »
in Essais de psychanalyse, p. 167
30
J. Bergeret, art. cit., p. 561
31
A. Eiguer, « Le « dribble » du
thérapeute » Humoresques, n° 16, juin
2002, p. 100
32
idem
33
idem
34
ibid., p. 96
35
ibid., p. 95
36
H. Danon-Boileau, « Quelques remarques à propos de
l’humour dans les psychothérapies d’adolescent »
Humoresques, n° 16, juin 2002, p.65
37
J-L. Donnet, art. cit., p. 898
38
P. Dubor, « L’articulation dyssyntaxique des
représentants pulsionnels dans l’humour et la psychose »,
Revue Française de Psychanalyse, XXXVII, 4, L’humour
pp. 594-595
39
ibid., p. 595
40
J-L. Donnet, art. cit., p.909.
41
D. W. Winnicott, « Objets transitionnels et phénomènes
transitionnels » in Jeu et réalité
(Playing and Reality), (1971), trad. Claude Monod et J.-B.
Pontalis, Gallimard, coll. Folio/essais, Paris, 1975, p. 30
42
J. Bergeret, art. cit., pp. 551-552
43
P. C. Racamier, art. cit., p. 655
44
idem
45
ibid., p. 656
46
idem
47
ibid., pp. 656-657.
48
ibid., p. 660
49
idem.
50
ibid., pp. 664-665
51
Nous verrons, dans la conclusion, en quoi le masochisme et l’humour
a permis cela.
52
ibid., p. 666
53
idem
54
ibid., pp. 666-667
______________________________________________________
Conclusion
Cette
présence de ce tiers, de cet Autre qui tour à tour peut
prendre le masque des instances idéales (Surmoi et Idéal
du Moi), car derrière ce qui interdit et détermine ce à
quoi on cherche à plaire, il y a toujours en toile de fond ce
quelque chose auquel le sujet s’adresse qui même si au départ
n’est pas en position de tiers à toutes les conditions pour
le devenir en tant que « trésors des signifiants ».
Cependant certaines tentations narcissiques peuvent empêcher la
tiércité de l’Autre, et figer la relation
thérapeutique où le patient devient qu’un simple
objet témoin de la gloire du thérapeute. Or c’est le
danger qu’encourt le thérapeute utilisant la séduction.
Mais d’un côté comme nous l’avons vu dans notre
première partie la séduction peut avoir des effets
bénéfiques, notamment grâce à la décharge
de l’excitation par le rire de fantasmes de fustigations, Fabrice
put alors actualiser l’Autre. Ainsi parce que les fantasmes de
fustigations mettaient en scène une position masochique,
Fabrice eut l’occasion d’élaborer sa place de bouc
émissaire. De plus, comme le masochisme secondaire venait
renforcer le masochisme primaire, nous assistions déjà
à une entreprise de solidification de son assise narcissique.
Comme le processus humoristique mettait Fabrice au niveau de l’Autre,
il eut alors un socle narcissique suffisamment solide pour retourner
l’hostilité qui lui était renvoyée.
L’usage
de l’humour lui a permis alors d’exprimer sa critique vis à
vis de l’attitude que nous avions, nous et les autres patients,
envers lui. Critique dont la source était une souffrance qu’il
avait verbalisée comme étant celle venant de l’image
de « Gogol » que les élèves de
son collège lui renvoyaient. Le processus humoristique eut
pour fonction alors, en plus d’exprimer l’agressivité,
celle de permettre de mettre de la distance par rapport à une
image qui le faisait souffrir. Enfin, un des aspects du processus
humoristique consistait à déconcerter l’adversaire
afin de montrer à cet adulte qui jouait avec lui dans des
situations conflictuelles qu’il n’était pas si faible et
qu’il pouvait avoir le dessus. Cette plus-value pour le narcissisme
en régressant au Moi Idéal permit de se jouer du
Surmoi. Mais pourquoi aurait-il eu besoin de se défendre
autant du Surmoi, quel rapport entretiennent-ils tous les deux ?
En
effet, ce que vient souligner l’usage réactionnel du Moi
Idéal, c’est une position masochique de l’humoriste. Bien
que ce masochisme a pour fonction de préserver l’intégration
du Moi vis à vis d’excitations sexuelles débordantes,
il peut desservir sa cause première en allant trop loin. Ainsi
le processus humoristique viendrait modérer le masochisme.
Toutefois le masochisme (secondaire et moral) mettant en scène
l’amour du père oedipien où le désir d’être
battu par lui est synonyme d’être aimé par lui, et
compte tenu du lien presque génétique entre masochisme
et processus humoristique, nous retrouverons donc logiquement ce but
initial de l’amour dans l’usage de l’humour. Donc, utiliser
l’humour est une manière de chercher à se faire
aimer, non seulement des autres mais de soi en visant l’approbation
de l’Idéal du Moi. La préservation du narcissisme est
donc centrale dans le processus humoristique, et c’est parce que
dans l’humour le Moi joue à se mettre en danger pour pouvoir
triomphé d’avoir survécue qu’il marque une
différence assez nette avec la psychose. En effet, selon
Racamier1
ceci n’est pas possible dans la psychose. Si ceci réussie
dans le cas du processus humoristique c’est parce qu’il y a de
l’altérité, une sorte d’Autre qui vient
authentifier de la réussite du processus.
Tout ceci se résumant parfaitement dans cette phrase de Jean-Luc
Donnet : « Le « chemin » du processus humoristique parcourt, on le verra, l’espace qui va de l’assise narcissique primaire à une objectalité maintenue, à une butée d’altérité. »2.
Nous voyons dés lors comment le rire est devenu signifiant d’autre
chose grâce au processus humoristique. En effet, là où le rire était signifiant de sa propre faillite, le processus
humoristique le fit advenir comme triomphe et surtout comme survie du
narcissisme. Or la condition de possibilité du processus
humoristique c’est la présence tiers, absent dans la
psychose. Ainsi, le processus humoristique en plus d’être une
défense face à une faillite narcissique, est aussi un
moyen pour s’adresser au tiers. La question qui nous apparaît
alors est celle de savoir si l’utilisation du processus
humoristique ne serait-il pas un moyen d’interpeller un tiers qui
justement n’était pas suffisamment présent ?
Comme s’il venait achever un travail qui n’avait été
jusqu’à présent qu’amorcé.
_____________________________________________________
1
P. C. Racamier, art. cit.
2
J-L. Donnet, art. cit., p. 898
_____________________________________________________
Bibliographie
Articles
et Ouvrages sur le rire et l’humour
● ATTIGUI Patricia, « De
l’acte théâtral au transfert : une interprétation
passionnée », Cliniques méditerranéennes,
n°69, Passion, amour, transfert, 2004, Érès,
Paris, pp. 139-157.
● BERGSON Henri, Le
rire, essai sur la signification du comique, (1900), PUF, coll.
Quadrige, Paris, 1981, 157 p.
● CASENAVE L.,
« L’humour comme stratégie dans la stabilisation
d’une psychose » in Les
stratégies
du
transfert
en psychanalyse. VIIème Rencontre internationale du
Champ freudien, Caracas, juillet 1992, Navarin, Paris, pp.
175-180
● DONNET Jean-Luc,
« L’humoriste et sa croyance », Revue
Française de Psychanalyse, LXI, 3, Croyances,
juillet 1997, PUF, Paris, pp. 897-917.
● FERENCZI Sandor,
« Rire (Lachen) », (1913), in Psychanalyse
IV. Oeuvres complètes. 1927-1933, trad. par l’équipe
du Coq Héron, Payot, Paris, 1982, pp. 203-206
● GARABEDIAN Alexandre,
« Humour-masochisme : quelques considérations en
pensant à la cure », in: SHENTOUB S.A. (Dir.),
L’humour dans l’œuvre de Freud, Two Cities, Paris, 1989,
pp. 82-93
● NYSENHOLC A., SZAFRAN
A. W., sous la direction de, Freud et le rire, Métailié,
coll. Sciences Humaines, Paris, 1994, 253 p.
Revue
● Humoresques,
n°16, Santé du rire : Humour et thérapies,
juin 2002, CORHUM, Paris, 162 p.
● Revue Française de Psychanalyse, XXXVII, 4,
L’humour, juillet 1973, PUF, Paris, pp. 511-704
Textes de Sigmund Freud
● FREUD Sigmund, le
mot d’esprit et sa relation à l’inconscient (Der Witz und
seine Beziehung zum unbewussten), (1905), G.W, VI, 1-285,
trad. Denis Messier, Gallimard, coll. Folio
essais, Paris, 1992, 442 p.
FREUD Sigmund, « Formulations sur les deux
principes du cours des événements psychiques
(formulierungen über die zwei Prinzipien des psychischen
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Résultats, idées, problèmes I, trad. sous la
direction de Jean Laplanche, P.U.F, Paris, 1984, pp. 135-143.
● FREUD Sigmund, « Un
enfant est battu ( Ein Kind wird geschlagen) », (1919),
G.W, XII, 197-226, in Névrose, psychose et
perversion, trad. sous la direction de Jean Laplanche, PUF,
Paris, 1973, 11e éd. 1999, pp. 219-243
FREUD Sigmund, « Au-delà du principe de
plaisir (Jenseits des Lutsprinzips », (1920), G.W,
XIII, 3-69, in Essais de psychanalyse, trad. sous la direction
de André Bourguignon, Payot, Paris, 1981, pp. 43-115.
FREUD Sigmund, « Psychologie des foules et analyse
du moi (Massenpsychologie und Ich-Analyse) », (1921), G.W,
XIII, 71-161, in Essais de psychanalyse, trad. sous la
direction de André Bourguignon, Payot, Paris, 1981, pp. 119-
217.
FREUD Sigmund, « Le
moi et le ça (Das Ich und das Es) », (1923), G.W,
XIII, 235-289, in Essais de psychanalyse, trad. sous la
direction de André Bourguignon, Payot, Paris, 1981, pp.
219-275.
FREUD Sigmund, « le
problème économique du masochisme (Das ökonomische
Problem des Masochismus) », (1924), G.W, XIII,
371-383, in Névrose, psychose et perversion, trad. sous
la direction de Jean Laplanche, PUF, Paris, 1973, 11e éd.
1999, pp. 287-297
FREUD Sigmund,
« L’humour (Der Humor) », (1927), G.W,
XIV, 383-389, in L’inquiétante étrangeté et
autres essais, trad. Bertrand Féron,
Gallimard, coll. Folio/essais, Paris, 1985, pp. 319-328
FREUD Sigmund,
Nouvelles conférences d’introduction à la
psychanalyse (Neue Folge der Vorlesungen zur Einführung in die
Psycho-analyse), (1933), G.W, XV, 207 p., trad. Rose-Marie
Zeitlin, Gallimard, coll. Folio essais, Paris, 1984, 263 p.
Autres ouvrages
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« L’illusion groupale : Un Moi idéal
commun », in Le groupe et l’inconscient :
l’imaginaire groupal, Dunod, coll. Psychismes, Paris, 1993, pp.
67-86.
● CHAPELIER,
Jean-Bernard ; MATHA, Catherine « Les fantasmes
sado-masochistes à l’adolescence : étudiés au
sein des groupes thérapeutiques psychanalytiques »
in: MARTY F.(dir.), Transactions narcissiques à
l’adolescence, Dunod, Paris, 2002, pp. 73-101
● FERENCZI Sandor,
« Réflexions sur le « plaisir de
passivié » », Notes et Fragments,
24/08/1930, in Psychanalyse IV. Oeuvres complètes.
1927-1933, trad. par l’équipe du Coq Héron,
Payot, Paris, 1982, pp. 274-276
● FERNEY Alice, La
conversation amoureuse,
Actes Sud, Paris, 2000, 472 p.
● ISRAEL, Paul, « Le
psychodrame analytique : quelle séduction ? »
Cahiers de l’IPPC , 1989, n° 9, pp. 35-43 La séduction
en psychothérapie, (Institut de Psycho-pathologie
clinique. Colloque du 18 novembre 1988), association G.R.E.U.P.P,
Paris, 156 p.
LACAN Jacques, Le
séminaire Livre V Les formations de l’inconscients,
(1957-1958), Seuil, Champ Freudien, Paris, 1998, 518 p.
WINNICOTT
Donald Wood, Jeu et réalité
(Playing and Reality), (1971), trad.
Claude Monod et J.-B. Pontalis, Gallimard, coll. Folio/essais,
Paris, 1975, 276 p.